Enregistré à Montréal en 1969 et publié simultanément sur Gamma avec l'album de Anthony Green & Barry Stagg, l'unique album du groupe anglophone The Medium pourrait bien être cité comme l'un des premiers au Québec à s'être aventuré sur des mouvances progressives. Le medium, la matière; ce solide sobriquet semble tirer profit du populaire dixit que Marshall McLuhan pondait en 1964: The medium is the message. Il n'y aurait pas eu de mal à l'utiliser comme gimmick publicitaire: ce slogan aurait été tout à leur honneur. Le groupe était composé de Steve Blackwell (percussions), Robert Ellis (voix, harmonica), Pierre Latreille (guitare), Neil Mallot (basse) & James «Jim» Solkin (orgue, piano), qui signe tous les titres de l'album. C'est aussi ce talentueux claviériste qui à la même époque composait en majeure partie la trame sonore du film-culte de Claude Jutra, Wow. Cette bande originale (qui ne fut malheureusement pas publiée sous forme d'album) fera le bonheur des connaiseurs, proposant autant d'extraits de l'album que de titres inédits du groupe! Le film est un témoignage franc et habilement cabotin de la jeunesse Québécoise au tournant des années 60: un visionnement essentiel, gracieuseté de l'ONF. Voyez d'ailleurs une perfomance mimée des comédiens sur un titre inédit à37m00s. Serait-ce aussi le véritable chanteur de groupe? Je ne crois pas. Le générique du film le nomme Dave; son portrait n'apparait pas sur la pochette du disque, mais sa performance, même en lipsync, demeure plutôt convaincante.
Selon l'ouvrage de référence La Merveilleuse Époque... de Léo Roy, le batteur Luc Robert du groupe La 5e Dimension aurait été membre de Médium [sic] suite à la dissolution de son premier groupe. Idem pour le chanteur de Benjamin & les Incas, Laurent «Benjamin» Bégin. Auraient-ils été membres avant ou après l'enregistrement ou bien utilisèrent-ils des pseudonymes? Parlait-on d'un autre groupe nommé similairement Médium? Pour le moment, je ne peux rien vous confirmer, mais j'espère qu'une bouteille-à-la-mer lancée en direction de James Solkin me revienne. À suivre...
Revenons à la musique. Le quintette orbite autour des vibrations émanants du Hammond et d'une panoplie d'orgues combos, suivant la fougueuse cadence imposée par le doigté de Solkin. Pour l'époque, je ne peux avancer d'équivalents Québécois, encore moins francophones; la vague déferlante du rock progressif PQ ne débuterait après tout que plus tard, avec entre autres le VEBB ou l'album Dimension M de Franck Dervieux en 1972. Par ses atmosphères dramatiques révélants au passage des mélodies accrocheuses, quasi circassiennes, l'album se situe bien dans une mouvance jazzée empruntée alors par des artistes psychédéliques américains. Des groupes comme Phluph et Mandrake Memorial, appuyés par des organistes aussi éclatés que minutieux, n'hésitaient pas non plus à mettre les claviers à l'avant-scène pour mieux situer leur fusion du jazz au rock, ambiances baroques et lysergiques en prime. Esthétiquement, un parallèle pourrait être tracé avec l'obscure groupe Aggregation qui publiait en 1969 un album d'étranges chansons atmosphériques... quasi circassiennes, justement, où une récente série de spectacles en résidence à Disneyland inspira un croisement entre leur trame sonore pour le pavillon Tomorrowland et l'expérience lysergique. Quel trip!
Les influences jazzées sont plus présentes chez The Medium, le chant étant relégué au second plan derrière les prouesses de l'organiste et les envolées en contrepoint de Latreille, aussi corrosives que méticuleuses. Le jeu de ce dernier insufle d'ailleurs une saveur westcoast à l'ensemble. Les breaks instrumentaux prolongés sont de rigueur, mais developpent des ambiances à la fois dramatiques et ludiques sans pour autant produire de longueurs.
Dans son livre, le collectif américain Acid Archive ventait l'inventivité du groupe et l'aspect non-linéaire des structures musicales, mais critiquait parallèlement les prouesses vocales de Ellis. S'il est vrai que le chanteur n'hésite pas à théatraliser sa performance par moments, son chant est loin d'être aussi faux qu'on lui reproche. Il y a certes quelques écarts sur In Between, mais ultimement son jeu rejoint le délire qu'impose la mélodie.
New Thing, un titre à propos pour cette pièce instrumentale, annonce déjà en introduction de grandes choses: un habile batteur jazz, un jeu d'orgue pesant, une guitare solo incisive. Du plomb dans les dents! La mélancolique My lady lies forever apaise la cadence et révèle un Ellis juste assez lyrique. À mon avis, c'est cet aspect de son chant qu'il faut retenir; sans gonfler son interpétation jusqu'à en personifier le Roi Lézard, Ellis navigue avec une certaine retenue, conscient de ses limites vocales. Plus loin, le groupe adoptera une approche encore plus intimiste sur la fragile Two by two (voix, piano, maracas), où le chanteur, plus désinvolte, marque une courte pause avec le style plus éclaté qu'il offre sur le reste de l'album. Give me a peace démarre aussi en douceur avant d'évoluer en une suite baroque'n roll, carabinée et fuzzée à souhaits. On ressent toute l'énergie d'une performance enregistrée live. Alors que The mouse ou Melon semblent tergiverser sans vraiment développer de structures solides ou de mélodies mémorables, le groupe se resaisit pour I love everyone at last. La chanson s'élabore sur différents styles qu'auraient appréciés Roy Wood (The Move) ou Keith Ermerson (The Nice), passant d'une valse baroque à des élans plus fougueux et saccadés. Couplé avec My lady lies forever, ce titre avait du potentiel et aurait pu être publié en 45 tours, mais Gamma choisit de miser uniquement sur le LP; aucun simple, à ma connaissance, ne fut extrait du long jeu. In Between par ses mélodies inquiétantes et son interprétation cabotine intensifie l'effet circassien décrit précédemment. Faites entrer les saltimbanques! Stars conclue le tout sur une note plutôt joyeuse; une composition laborieuse et agitée, entrecoupée d'un air charmante au mélodica (ou est-ce un accordéon?) et ponctuée de chants en soubresauts. Cette chanson rappelera la performance mimée du film de Jutra. Wow, effectivement.
New Thing, un titre à propos pour cette pièce instrumentale, annonce déjà en introduction de grandes choses: un habile batteur jazz, un jeu d'orgue pesant, une guitare solo incisive. Du plomb dans les dents! La mélancolique My lady lies forever apaise la cadence et révèle un Ellis juste assez lyrique. À mon avis, c'est cet aspect de son chant qu'il faut retenir; sans gonfler son interpétation jusqu'à en personifier le Roi Lézard, Ellis navigue avec une certaine retenue, conscient de ses limites vocales. Plus loin, le groupe adoptera une approche encore plus intimiste sur la fragile Two by two (voix, piano, maracas), où le chanteur, plus désinvolte, marque une courte pause avec le style plus éclaté qu'il offre sur le reste de l'album. Give me a peace démarre aussi en douceur avant d'évoluer en une suite baroque'n roll, carabinée et fuzzée à souhaits. On ressent toute l'énergie d'une performance enregistrée live. Alors que The mouse ou Melon semblent tergiverser sans vraiment développer de structures solides ou de mélodies mémorables, le groupe se resaisit pour I love everyone at last. La chanson s'élabore sur différents styles qu'auraient appréciés Roy Wood (The Move) ou Keith Ermerson (The Nice), passant d'une valse baroque à des élans plus fougueux et saccadés. Couplé avec My lady lies forever, ce titre avait du potentiel et aurait pu être publié en 45 tours, mais Gamma choisit de miser uniquement sur le LP; aucun simple, à ma connaissance, ne fut extrait du long jeu. In Between par ses mélodies inquiétantes et son interprétation cabotine intensifie l'effet circassien décrit précédemment. Faites entrer les saltimbanques! Stars conclue le tout sur une note plutôt joyeuse; une composition laborieuse et agitée, entrecoupée d'un air charmante au mélodica (ou est-ce un accordéon?) et ponctuée de chants en soubresauts. Cette chanson rappelera la performance mimée du film de Jutra. Wow, effectivement.
Par ses ambiances psyquédélique, ses structures atypiques et son jeu de clavier à la limite des démonstrations hypertrophiées qu'imposerait bientôt le rock progressif, l'unique legs du groupe The Medium pavait déjà la voie qu'emprunteraient bientôt nombre d'artistes Québécois. En constatant toute l'inventivité de ce quintette, il est plus que tentant d'imaginer une suite à ce long-jeu. Le groupe avait tant de potentiel; il aurait pu évoluer et s'imposer sans trop de peine dans la décennie suivante. Dommage que l'aventure n'ait été de si courte durée... Solkin réaliserait bien quelques années plus tard la trame sonore du documentaire animalier La volée des neiges (1976; ONF) et co-fonderait à la même époque le Café Santropol (Montréal), mais qu'est-il advenu depuis des autres membres talentueux de ce groupe? Messieurs du Medium, la parole est maintenant à vous... Merci à mon ami Gaétan B. qui m'a gentiment prêté cet album convoité.
Produced in 1969 in Montreal, the sole album from The Medium (not to be confused with the UK band of the same name, of 'Edward never lies' fame) is a rare treat of early prog rock in Quebec, fusing jazz, rock with some pretty intense organ playing. The band was composed of Steve Blackwell (percussions), Robert Ellis (vocals, harmonica), Pierre Latreille (guitar), Neil Mallot (bass) & James "Jim" Solkin (organ, piano), who composed all titles on their eponymous LP. According to Leo Roys' reference book La Merveilleuse Époque... , the drummer from Quebec's psychedelic combo La 5e Dimension joined The Medium after his own band collapsed in 1968. Same thing for Laurent "Bejamin" Bégin of the obscure garage band Benjamin & Les Incas. Did they joined before or after the LP was recorded? Were they using pseudonyms? I've contacted M. Solkin, let's hope he answers back and rectifies some of these mysteries.
Solkin produced at the same time the original score for Claude Jutra's cult-movie Wow, about Quebec's young generation at the turn of the sixties. A fascinating and essential viewing. You'll also hear many new and unreleased tracks performed by The Medium as well as a mimic performance by the comedians at 37m00s. Read an article for their sole LP in the Acid Archive. While I find it accurate on many aspects of this LP, I thought like many, that the bad review for Ellis's vocals were a bit tough. His voici isn't as strong as the other instruments involved here and the emphasis is mainly put on the organist; still he manages to pull some chops and dramatize to some degree his singing to match the intense play between complex organ melodies and guitar solos. A bit amateurish but devoted: give the guy some credit! The sound of the band is reminescent of those of Phluph, Aggregation or even Mandrake Memorial but with a disctinct flavor. Solkin's melodies mixes jazz, baroque and rock with a bold and fresh attitude: no oversized prog moments here but great and extanded solos nevertheless. Leave a comment as you download and, as english speaking fans, write me what you really think of this one. Thanks!
Téléchargez l'album complet / Download the complete album:
The Medium - The Medium (1969; Gamma GS-503)
15 commentaires:
pretty cool stuff...
i think the vocals sound pretty typical for the time...
The Mouse is a great track...
...and I thought this one in particular lacked a strong melody. Anyway, gotta love that freakish organ groove!
Pas piqué des vers le guitariste! Particulièrement dans "My Lady Lies Forever". En même temps très typique des albums écrits et mené de main de maître PAR LE CLAVIÉRISTE. Et ça veut montrer que ça a fait ses classes... et ça réussit pas mal.
Je trouve ça très bon. Un jour, on a décidé qu'on n'était plus capable des orgues Hammond... que voulez-vous.
Anecdote parlant d'orgue Hammond: Un de mes amis a ramassé chez un ancien musicien de club, un Leslie tout recouvert de tapis! Parle-moi d'un truc magique... aujourd'hui on a besoin du numérique pour reproduire un tel effet. On a tout essayé là-dessus: guitare, voix et bien sûr l'orgue dans le piton. Une invention géniale, que le Leslie.
Je trouve que certaines pièces des Champignons sonnent un peu comme Medium (à cause du côté très centré autour des claviers). New Thing est un bon exemple.
C'est tu juste moi ou le chanteur ressemble à Napoléon Dynamite ?
Tu marques un point avec cette juste comparaison, bien qu'à mon avis..The Medium sonne plus tight.
Aahahha C'est vrai qu'il pourrait être le sosie de Napoleon Dynamite! En fait, ce n'est pas le chanteur (Ellis), mais bien l'organiste (Solkin) qui affiche cet air désinvolte derrière les barniques. ; )
je préfère The Rabble mais sinon The Medium est probablement le groupe anglophone de Montréal avec le meilleur son psychédélique de la fin des sixties, sur album du moins.bien dosés, les penchants jazz et prog rendent le tout plus aventureux. très bon article, excellent travail sur le son (j'en sais quelque chose...), bravo. merci à Félix de l'avoir déniché je ne sais où. ce fut tout un échange...
Ooooh yeah! je viens juste d'allumer que c'est mon ex-disque qui se trouve ici! haha! C'est cool de le voir apprécié par des gens qui l'apprécient, pcq moi, c'est pas trop mon genre! ; ) Je l'ai trouvé à Rouyn-Noranda chez un ramasseux de cossins, pour une grosse piasse bien investie pour un disque qui me semblait étrange! le vendeur m'a dit que le lot venait d'une cave à La Sarre, d'un ex-DJ! Hééé ben! Comme quoi y'a des long-jeux qui font du chemin, historiquement et physiquement!
En effet, quel échange Gaétan, si tu savais comment je suis un homme heureux et comblé depuis! hahaha! Merci!
Ça c'est du dollar bien investi, m'sieur Desfossé! ; p
Tu as vu juste, c'est ton ex-exemplaire. aha
Ça ressemble pas mal à du Arzachel, groupe Canterbury.
Vous avez tout à fait raison.
ce disque est sur ebay la vente fini le 17 avril 2012 vers 21h numero d item est 330716040969
Merci! Ça se vendra probablement cher, encore une fois. On demande de plus en plus environ 400$ pour album.
C'est malade!
Tellement bon, et tellement introuvable. J'arrive trop tard et le lien est mort.
Y aurait-il une chance que cette merveille soit re-uploadé quelque part?
C'est malade!
Tellement bon, et tellement introuvable. J'arrive trop tard et le lien est mort.
Y aurait-il une chance que cette merveille soit re-uploadé quelque part?
Écrivez-moi ici: mondopq@mondopq.com
Je vous enverrai l'album.
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