lundi, août 31, 2009


Tout au long du mois de septembre, Patrimoine PQ en collaboration avec Doctorak, Go! vous présenteront un survol de la musique underground québécoise en 10 albums, publiés simultanément sur ces deux blogs.


Erica Pomerance - You used to think
(1968; ESP 1099)

Certains contesteront cette inclusion à notre palmarès, mais le premier album d'Erica Pomerance mérite bien à mon avis sa place au panthéon des obscurités Québécoises. Sa modernité, la montréalaise irait ultimement la cuisiner au sud du sud bleu blanc rouge...


Aux États-Unis de 1968, les pôles de l'avant-garde artistique se magnétisaient entre la scène de New York et celle de San Francisco. Paralèllement, la scène Québecoise avait soif d'identité; elle s'américanisait progressivement depuis les débuts du rock n' roll puis du merseybeat, mais ne commencerait qu'à contemporéaniser son son qu'à cette époque. Les boîtes à chansons pouvaient enfin brûler et renaître en love-in. En quête d'un métissage sonore qui nous serait propre, Charlebois rapporterait de la côte ouest américaine les effluves psychédéliques du rock pour électrifier la Chanson alors que Pomerance déménagerait vers New York pour laisser libre cours à ses transes folk. Bien qu'ainsi elle ne participerait pas activement à l'émergence du son Québécois en province, elle importerait à Greenwich Village l'esprit des cabarets folk qu'elle animait dès 1965 à McGill. Remarquée plutôt rapidement par le fondateur des disques ESP (1963-1968), on lui offrit d'enregistrer ses compositions en compagnie de musiciens américains sur ce label avant-gardiste qui comptait déjà dans ses rangs The Fugs, The Holy Modal Rounders, William Burroughs, Sun Ra et toute une trollée de jazzmen joyeusement déglingués. Ses mélodies délibérément déconstruites et son timbre dissonnant sont déjà à des lieux de ce que Marie-Claire Séguin ou Lise Cousineau pourraient un jour espérer chanter. Le magazine Vogue l'avait même décrite à l'époque comme la Lotte Lenya du folk!


Sur au moins un titre, cette proche de Leonard Cohen (elle lui dédie un morceau) entâme quelques rimes clichées à nos oreilles contemporaines, mais tellement vibrantes avec cet accent adorable sur The Slipperry Morning.


Le petit matin glissa dans mon rêve.

Je voulais l'atteindre, en goûter le miel.

Et puis je m'éveille dans un monde tout confus

où le noir et le blanc se combatent sans but

L'orbitude de ma vie déjà est éteint

Les mouvements ne sont que des perles en filet

sur une chaîne trop faible que je veux pourtant casser

mais tout s'échappe, s'évanouit de ma main.


À mesure que l'ascension lysergique de Pomerance s'intensifie, les influences déjà touffues se fusionnent dans une prose colorée et dynamique. On passe du folk, aux racines du country et par delà les rythmes orientaux (avec flûte, sitar, bongos) sans pour autant divaguer. Une personnalité fortement bluesée émerge, nue, sans artifice. La chanteuse ne saurait démentir 40 ans plus tard que la seconde face de l'album fut enregistrée sous influence, son quotidien newyorkais rehaussé de hashish et de LSD ayant révélé de nouveaux horizons soniques. La chanson You used to think annonçait déjà en introduction à l'album:


Have a drink, have a puff.

Have a smoke, have a toke! Smoke (toke) dope; Toke (smoke) dope...

Mais peu importe les moyens utilisés pour aller à l'essence de ces mélodies. Bien entendu, sous acide, le psychonaute croit toucher à la Sagesse, mais de l'extérieur, c'est parfois un tout autre spectacle qui s'offre à nous. Et lorsqu'on affiche une telle liberté dans le chant, inévitablement l'un ne va pas sans l'autre.... Pour preuve, ses quelques écarts sur Burn Baby Burn ou Koanisphere. Captez donc promptement ces vibrations qu'elle transpire... Cette chanteuse-là, elle iradie! You dig?


Ce premier album fut réédité officiellement sur ESP Disk; leur site web offre la liste complète des collaborateurs. Je vous invite aussi à lire une excellente entrevue avec la chanteuse (devenue depuis réalisatrice) sur Blastitude.


samedi, août 15, 2009


Panorama sur l'Underground Québécois en 10 albums

Tout au long du mois de septembre, Patrimoine PQ en collaboration avec Doctorak, Go! vous présenteront un survol de la musique underground québécoise en 10 albums, publiés simultanément sur ces deux blogs.


Oubliez ça, là, Beau Dommage pis Malajube pis Jean-Pierre Ferland, la musique la plus signifiante qui s'est faite au Québec se trouve dans l'underground. Pourquoi signifiante? Parce que nous sommes présentement dans un creux identitaire collectif. Nous ne savons plus qui nous sommes et pour cette raison la transmission de grandes oeuvres rassembleuses du canon culturel est devenue suspecte. Qui autour de vous se tappe encore spontanément une compile de Gilles Vigneault en dehors du temps de la Saint-Jean? Qui pense sincèrement que Coeur de pirate ou Pierre Lapointe traversera les époques? Même les Colocs... Je commence à trouver suspecte l'hagiographie sirupeuse de Dédé Fortin qu'on nous enfonce dans le fond de la gorge depuis quelques mois. Nous avons un besoin urgent en musique de prendre une distance critique, et il semble qu'on peut le faire en plongeant dans un ensemble d'oeuvres musicales dont la seule existence permettrait de prendre du recul par rapport à ce grand récit identitaire québécois qui ne fonctionne plus.


Pour nommer ce courant musical, nous avons choisi de reprendre l'appellation de « musique underground », et paradoxalement, nous sommes incapables d'en apporter une définition formelle, voir définitive.
Nous avons construit ce survol en 10 albums selon des critères intuitifs et, franchement, complètement subjectifs, mais le tout devrait néanmoins animer un débat passionnant. Il devait s'agir d'albums peu ou pas connus mais qui disaient quelque chose sur leur époque, sur la musique, sur la culture en général. On retrouve ces albums en marge des courants de leur époque, mais pas ailleurs cependant: ils les reprennent, les évoquent, les réorganisent ou les critiquent. Parce que la marge est un lieu d'expérimentation, de contact potentiel et de reconfiguration de tous les matériaux culturels disponibles, ils explorent les tensions et les paradoxes de leur époque. Ainsi, à titre d'exemple, Le Troisième Seuil de Agapè (1972) subit à la fois les influences du renouveau liturgique au Québec et de la musique psychédélique américaine; Kaméléon de Kaméléon (1982) cherche à penser les tensions identitaires internes à la révolution du post-humain en musique; Il est venu le temps des claques sa yeule de Khan Gourou (1999) essaie quant à lui de liquider dans un geste suicidaire une culture québécoise devenue stérile.


La musique underground n'est donc pas un genre, ni un courant, elle constitue plutôt un répertoire d'oeuvres négligées à leur époque pour toutes sortes de raisons mais dont nous avons besoin aujourd'hui pour cette même raison, car elles nous permettent de prendre du recul et de poser un regard critique sur les canons culturels majoritaires lorsque ceux-ci ne suffisent plus à nous comprendre nous-mêmes. Par sa situation résolument marginale, la musique underground constitue une sorte de simulacre paradoxal de notre époque, car en parlant de la leur, elles en disent infiniment plus sur la nôtre, rendant leur redécouverte plus importante que leur parution originale, et leur écoute aujourd'hui plus signifiante que le moment de leur enregistrement.


En sélectionnant ces albums-cultes selon nos préférences musicales, nous avons aussi choisi de miser sur le pop appeal d'un tel exercice; exit donc les disques jazz, électro-accoustiques ou d'orchestrations contemporaines qui, pourtant marginalisés dès leur création, se trouvent néanmoins inscrits dans des courants institutionnels qui leur donnent déjà une signification, déjà une histoire. Les prochains articles illustreront d'ailleurs les préférences musicales de chaque blogueurs (on remarquera la fascination de Sébastien de Patrimoine PQ pour la fin des années 60, et celle de Mathieu de Doctorak, Go! pour le pop électronique des années 80 et 90); joignez-vous au débat pour combler les failles ou les titres absents de cet exercice qui, je vous le rappelle, s'attaque à plus de 40 ans de musique underground.

Underground pour qui à part de ça? Ce qui décoiffera un auditeur hollandais ne choquera pas pour autant le mélomane québécois, et vice-versa. Comme pour le kitsch, à la limite du bon goût ou de l'erreur (horreur?) esthétique, ce qui est fascinant pour l'un peut paraître banal pour l'autre. Ce qui persiste par contre c'est le dépaysement, l'inconfort dans la difficile définition de ce qui s'offre à nos oreilles. Malgré des références culturelles évidentes, le disque underground décontenance en se positionnant autant à la croisée des styles qu'en marge de ceux-ci. Parfois, il choisira d'être résolument difficile d'écoute. Un artiste ne fait pas que de la musique pour plaire, vous savez... Pour une fois, faisons fi des étiquettes et revalorisons ces artistes mal aimés, méconnus, ignorés, mais pas oubliés.

Le premier album sera publié ce lundi 31 août.
Bonne écoute!


dimanche, août 02, 2009


Patrimoine PQ présente Les Filles d'Aujourd'hui

Notre seconde baladodiffusion mise cette fois sur l'émancipation de nos chanteuses populaires au tournant des années 60 & 70. Aux travers des rythmes soul ou d'un rock tonitruant, les jeunes et fragiles voix de la vague yé-yé passent aux choses sérieuses en y mettant tout la gomme. Il est bien révolu le temps de boîtes à gogo... mais cela ne devrait pas vous empêcher de vous trémousser sur les chansons dévergondées de Patsy Gallant, Anik de Luk, Guillotine ou bien Éloïse. La plupart de ces titres n'ont toujours pas été réédités ou compilés. Pour cette seconde édition, l'ami et collectionneur émérite Gaétan se joint à moi pour cet hommage aux Québécoises. Garçons et filles, bonne écoute!

Our second podcast, Les Filles d'Aujourd'hui (Today's girls), focus on post-yéyé female singers at the turn of the 60's & 70's. Mostly uncomped or unreissued singles from obscure names such as Anik de Luk, Nadya or Marie-Claude. You'll also hear some fairly known singers like Patsy Gallant pushing their boundaries and reinventing their image over some mad funk or blues rock numbers! Think outside "les boîtes à gogo"... With the help of friend and fellow collector Gaétan, we bring you the roots of Quebec's rock scene... with a feminine edge.

Sélections / Tracklist:

Jingle CJAD Montréal
Anik de Luk - Les Filles d'Aujourd'hui

intervention

Andrée Cousineau & Michèle Mercure - Kid Sentiment
Louise Lemire - Emmennes-Moi
Patsy Gallant - Le lit qui craque

intervention
Guillotine - Hands of Children
JIngle CJAD Montréal
Marie-Lou Gauhtier - In the Summertime
Eloïse - Je suis Pour

intervention
Lori Zimmerman - 'Cause the world is mine
Jasmine - Les Millions

Anna Bell - Cendrillon

intervention
Marie-Claude - Un peu beaucoup
Karo - Dans le ventre d'une énorme baleine
Nadya - Tu es le même

intervention
Myriam Martin - Dansons le Blue Beat







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Patrimoine PQ présente... Les Filles d'Aujourd'hui.