vendredi, mai 30, 2008

Labelle, Angelil et... La belle amanchure (1970-71)








Pierre Labelle & René Angelil - Labelle & Angelil
(02-01-1971; Nobel NBL-3)

ainsi que...
Artistes Variés - La Belle Amanchure
(1970; Tremplin TNL-2001) 

Voilà bien là deux surprises de taille au catalogue des Baronets! Suite au départ de Jean Beaulne, le nouveau duo se réinvente tout en demeurant le même. Alors que la fusion de leurs horizons musicaux et comiques s'intensifie en cette fin de carrière en tant que du groupe, leur goût pour le risque les poussera à pondre simultanément d'intenses rock n' soul tout en produisant des monologues d'une banalité sidérante... Pressés simultannément tout en rassemblant sur chacun un personnel similaire, ces deux albums auraient été enregistrés entre octobre et décembre 1970. Peu de temps après, le duo tiendrait des rôles secondaires dans le long-métrage Après Ski, un titre culte de notre cinéma érotique de série B, ce qui est convenu d'appeler aujourd'hui le maple-syrup porn. La bande originale de ce film était l'oeuvre de l'homme-orchestre Jacques Crevier; c'est ce dernier qui écrirait la musique, interprèterait les pièces et superviserait ultimement la production de ces trois albums (La Belle Amanchure, Labelle & Angelil, Après Ski).
 
Echos-Vedettes, 10 octobre 1970.

La Belle Amanchure est la troisième revue théatrale (après Les Girls en 1968 et La Grosse Tête en 1967) proposée par Clémence Desrochers. Autour des textes de cette dernière et des monologues de Françoise Lemieux et du duo Labelle & Angelil, la captation live étonne par quelques numéros inspirés de sunshine pop et rock n' soul. En plus de Crevier à la guitare, l'ensemble pop-rock entendu était composé de Bert de Villiers (orgue) et de Gilles Delisle (batterie).
Journal des Vedettes, octobre 1970.

Le super 45 tours devient un album! Échos-Vedettes, octobre 1970.

L'oeuvre proposée offre plusieurs numéros à propos de la libération de la femme, de la souveraineté du Québec et de l'amour en couple, le tout entrecoupé de quelques pièces surprenantes. Nos fidèles lecteurs appréciront la dynamique
Si nous sommes ensemble qui ouvre et conclut avec la fougue délectable de son refrain
sunshine pop. Plus loin, Chanson de fin de journée adopte une pop suave et légère à l'image de son titre, mais c'est le sale Tout l'monde m'aime qui casse littéralement la baraque! La performance d'Angelil mérite d'être soulignée; sur fond de rock n' soul, l'urgence de son "rap de frustré" dessine déjà les sillons qu'enjamberait plus tard Lucien Francoeur (au niveau rythmique, du moins).
Ch'uis un garçon plutôt gentil, j'arrête pas de m'faire des amis.
Y vivent dans mon appartement, y usent mes disques pis mes vêtements.
J'les endosse quand y sont cassés, j'emprunte d'l'argent pour les backer.
J'passe mon auto à mon beau-frère, j'prends l'métro faut qu'j'aille voir ma mère.
À s'ennuie de son p'tit garçon, à veux qu'y'r'vienne à la maison
Mais moi y faut que j'fasse ma vie, faut que j'm'occupe de mes amis...

Echos-Vedettes (g; 10 octobre 1970); Grand Journal Illustré (d; 5 octobre 1970)

Sur un canevas presque identique, le duo Labelle & Angelil enregistre simultanément son chant du cygne, une oeuvre éponyme et démesurée retraçant sur un album-double les tribulations et constats du Québécois moyen, de sa naissance à sa mort. L'offre avait de quoi surprendre! Encore une fois, dans le style plus-qu'approximatif d'une revue, d'incroyables perles musicales trouvent leur chemin au milieu de monologues aux concepts pauvrement exploités, sans rythme ni substance. Loin de moi l'idée de dénigrer le comique naturel que Labelle savait par moments transcender sur scène, mais les monologues entendus -qu'il signe tous- sont parmi ses plus pauvres, voire réducteurs. La trame musicale qu'insufle les musiciens de Crevier (Gerry Labelle aux flûte & saxo; Bert de Villiers à orgue; Peter Leaches, Doug Treneer & Crevier aux guitares; Gerry Legault
du groupe Motherlode à la basse et Réjean Émond à la batterie) paufine le concept original griffoné par l'avantgardiste duo. Cette dernière mouture des Baronets choisit de s'éclater comme jamais sur plusieurs styles glam-rock, pop-psyché & country. Une berceuse accapella (Berçeuse pour bébé) souligne immédiatement la naissance de l'enfant; plus loin, Mon enfant, seconde et brève berçeuse doo-wop, soulignera similairement la progéniture du personnage principal. Être bébé n'est pas de tout repos et le glam-rock de Guili Guili crache les frustrations du bambin:

Je suis petit, personne le nie.
Mais pendant ce temps, qu'est-ce que j'apprends?
Guili guili, guili la la, Guili di dodo, guili da da
Qu'on me dise des mots comme tout l'monde!

Jamais une chanson à propos de la puberté n'aura été si exquise que la délicate pop-psychédélique Les Filles, racontant l'éveil du garçon devant ces dernières:

Toutes les p'tites filles ont changées tout à coup.

Elles sont plus belles.

Nathalie, Loulou, Gisèle.

 

Si ailleurs le caricatural western Je t'écris cettre lette (Rita mon amour) ou les numéros de cabaret faussement-live (Au Club) vous arrachent un sourire en coin, la sélection à tôt fait de revenir sur des ryhtmes plus planants (Il était une fois, mystérieuse avec un long fade-out inspiré) ou glam. Troubles! Troubles! Troubles!, explose avec son rock fuzzé, aux voix modifiées, servi sur fond de scène de ménage! Typiquement, une semaine dans la vie du Québécois moyen est ensuite décortiquée sur fond de sympathique country-grivois. Plus loin, le difficile et pastoral slow Le Vieux offre des rimes douteuses, mais cède enfin au glorieux Alléluia. Ce titre, déjà compilé sur l'excellente compilation Résurrection! Vol. 1, conclu avec une énergie délirante: Il y a toujours de la place pour un Québécois au paradis!

Résumons. La musique de Labelle & Angelil surprendra; les monologues de Labelle décevront et La Belle Amanchure (dans son ensemble) plaira aux amateurs de revues et inconditionnels de Clémence. Les Baronets pouvaient donc partir la tête haute et le regard, louche... Poursuivez votre survol des comédies musicales en découvrant la spéciale «Revues Musicales» diffusée plus tôt en 2012 à l'émission que je co-anime sur les ondes de CIBL 101,5 FM,  Mondo PQ - l'Envers du rétro québécois. Bonne écoute!



Téléchargez ces albums / Download these albums:


Pierre Labelle & René Angelil - Labelle & Angelil (02-01-1971; Nobel NBL-3)
 
Artistes Variés - La belle amanchure (1970; Tremplin TNL-2001)

lundi, mai 05, 2008

The Musical and Humanist Advent Concept - Eleminate the Bill / Pour une faveur (1976; Reveal REV-1)









Ce groupe de Laval prônant l'Humanisme offrait de quoi surprendre: une production hard-rock entièrement autogérée sous leur propre label (Reveal), bénéficiant de pressages d'une surprenante qualité graphique. Enregistré en 1976, ce simple propose deux titres à mi-chemin entre le hard-rock et le progressif: déjantés, approximatifs et bilingues. Le groupe était composé de Peter Riden (voix, guitariste solo, cordes), Robert C. Schwelb (claviers, voix), Marc Ulus (cordes, bois, voix) et Pier Heiken (percussions). La face A est signée Riden tandis que la face B est l'oeuvre de Ulus. La délirante production-maison manque par moments de focus; en effet, les voix sont souvent étouffées dans le mix et de mauvais calibrages nous détournent malheureusement d'un intense solo expérimental sur la face A... Le groupe réussi toutefois à se distinguer en suant sans répit son rock sale et pesant (basse tonitruante, Hammond, wha wha). Un trip de cette nature ne saurait se résumer à une simple ballade dans le parc.

Ce simple ouvre avec Eleminate the Bill (comprendre "le projet de loi" et non le prénom), un rock effreiné servi sur fond de débat séparatiste.

Simple solutions through common acceptation
No language distorsion, canalization.

Law-makers turning into love-sharer [sic]

Abolishing limitation, separation.


Les chants suivent une mélodie primale rappelant les premiers Soft Machine tout en cédant la place pour un long break instrumental où malheureusement aucun musicien ne prend les devants - dommage. Il faut avouer que le mix manque d'air; il ne nous permet pas d'apprécier l'énergie déployée par chacun. Ce groupe déménage tout en prenant solidement position: pour eux, la séparation, non merci. Vous aurez besoin des paroles (agrandissez le verso). La face B, la francophone Pour une faveur, est un acid-rock des plus planants où Concept se distingue à nouveau des séparatistes.

Ton pays est immense;
Regarde dans tous les sens.
C'est une sphère qui est la Terre.
Toi qui penssais que c'était ta province.


Sous les secousses du Hammond, un Riden fuzzé et inlassable meuble les racoins et sait s'imposer comme un soloiste de talent. Le duo de voix, cette fois-ci légèrement plus audible, fusionne un barython au lead occasionnant un décalage plutôt intriguant. La pièce culminera sur un fade out plus dynamique, digne d'une pop-psychée de 1968, où de trop rares notes de flûte s'entrechoquent harmonieusement aux travers du fuzz.

Trois membres de «Concept» (Riden est au centre). Le blason psychédélique du groupe orne un t-shirt, mais aussi le fer forgé du balcon!

Peter Riden à tôt fait de répondre à mon email. L'auteur-compositeur et guitariste est toujours en activité et apparemment toujours en contact avec Robert C., keyboard player extraordinaire, mais aurait perdu la trace de ses compères Conceptuels. Il a depuis autorisé la réédition de leurs deux albums sur le label Allemand Long Hair (Invasion est bonifié du 45 tours REV-1) . Depuis maintenant 20 ans, il concentre ses efforts sur The Grand Barn, un centre naturiste à Vankleek Hill (Ontario). Pour ceux qui planifieraient déjà leurs vacances, sachez que Concept y sera en spectacle pendant une semaine complète en juillet 2008, un événement annuel initié par le groupe depuis le 7/7/1977...


Totally freaked-out acid-rock with progressive moves from this Laval band (north of Montreal). The band self-produced at least two 45 and two LPs (including their trippy 1978 opus, Invasion , reissued on the german-based Long Hair label) that I'm aware of. Small budget production but boy! can those guys rock! This bilingual release features two songs linked to the separatist debate, peaking at the time in Quebec (Concept , focused on Humanism, were obviously opposed). A superfriendly Peter Riden wrote back: he still performs today and have been runing for the last 20 years his own business, The Grand Barn: a clothing optional, alternative lifestyle, friendly private club and campground on 250 acres in Vankleek Hill (Ontario). Visit their site and look out for an upcoming show by Concept! All-week performances are scheduled for July, an event honored by the band since 7/7/1977...