mardi, juillet 29, 2008

Le Cardan - L'Évadé de la nuit / Shaffres
(1970; Révolution R-2025)

Si un groupe Québécois mérite bien d'être qualifié de psychédélique, c'est bien Le Cardan. Tirant leur nom d'une pièce commune de machinerie, le mystérieux quintet ne roule pourtant pas de mécaniques et proposera 3 simples d'abord sur RCA en 1968, London en 1969 et ultimement Révolution (propriété de Tony Roman) l'année suivante. Par la qualité de leur dernier legs (l'unique que votre auteur a en sa possession), fort à parier que leurs titres précédents intitulées "Le jardin d'Ébène" ou "La reine et le roi" flottèrent sur des effluves similaires.

Photographie tirée de Roy, Léo; La merveilleuse époque des
groupes Québécois des années 60
(Éditions Rétro-Laser)


Pour ce simple, la direction artistique fut confié à Guy Rhéaume. Ce détail avait immédiatement déterminé à mes yeux le potentiel de ce 45 tours. La plupart de ses productions m'avaient étonnées et depuis longtemps, j'ajoutais son nom à ma listes d'ingénieurs/producteurs synonymes de qualité et d'audace, aux côté de Pete Tessier (Offenbach, Cousineau, Patof), Martin Martin (Les Sceptres, Tout Va), Yves Martin et autres Quentin Meek (Plume, Valiquette, Aut'Chose, Connivence). Rhéaume donc, allait produire 2 ans plus tard son étonnant album Rêve (folk-rock planant sévère au reverb), aujourd'hui plutôt rare. Le risque était donc calculé...

Quelle surprise: le simple offre 2 compositions originales avec en guise de face A l'Évadé de la nuit, un titre audacieux et épique de 7 minutes! Toutes les chansons sont signées Le Cardan et Gilbert Bourgeois. Aucune information à son sujet n'a été recueillie jusqu'à maintenant, mais on suppose qu'il aurait pu être un membre du groupe; il participa néanmoins au second album de Rhéaume, le beatlesque Sunny Day. Avec sa généreuse douzaine de mood swings et son rock à la fois tranchant et éthéré, L'Évadé de la nuit à tout pour rappeler modestement le mythique simple Defecting Grey des Pretty Things, dans la forme du moins. Cette pocket-symphony au ton sale, entrainant et acide vous fait tanguer d'une ambiance paisible et nocturne à un slow-jerk au Hammond en passant par un solo fuzzé dans le tapis sans pour autant mettre de côté la pop surréaliste. Peu importe votre pharmacopée, ce titre vous sidèrera par ses airs désinvoltes et la fraîcheur de son jeu. On ne parle pas de rock progressif proprement dit, mais certainement d'un des premiers hybrides psyché-prog du genre (sans oublier Charlebois, comme toujours, bon premier sur plusieurs niveaux dans notre histoire musicale). Way-out!


J'ai marché à côté de ceux qui prient, de ceux qui fuient, de ceux qui crient, de ceux qui nient!
De ceux qui parlent avec les yeux, de ceux qui voient avec les doigts;

Ils m'ont amenés avec eux, dans un voyage terrible [...]

Doit-on s'abandonner à l'intuition ou bien ne se fier qu'à la raison?

Dois-je dire oui, dois-je dire non?


Shaffres, en face B, demeure tout aussi psychédélique, cette fois dans un format plus restreint. Sur un habile jeu de piano éclaté, ce titre vous plonge en plein délire pop d'avant-garde. Percussions touffues et approximatives, solo enfumé, choeurs flangés, discours hippie, guitare bruitiste (aussi flangée) omniprésente sur un groove tenace: tout y passe en 2 minutes! Pour l'époque, en connaissez-vous beaucoup d'autres titres de ce calibre?

Gagner sa vie à perdre son temps, perdre son temps à être heureux.
Heureux de vivre et laisser-vivre.

Pendant que d'autres se tuent à gagner du temps pour satisfaire les besoins qu'ils s'inventent...


Il est plus que surprenant que ces 2 titres n'aient jamais été compilés et c'est avec un plaisir malin que je partage aujourd'hui avec vous cette rare perle lysergique. Cette primeur mérite d'être analysée; je ne saurais trop insister pour vos précieux commentaires!

Way-out third single from 1970 by the mysterious Le Cardan. Ultimate head-trip: the A-side alone is 7 minutes! These titles seems to have escape the radars and thus, strangely, were never comped. It's a shame as the A-side delivers one of the stongest and longest psych-rock single from Quebec (beside all of Charlebois's hits, always ahead) while the B-side is a terrific pop-sike nomber with out-a-sight piano playing and flanged guitars/chorus, dig? Such a great and rare 45 surely must deserves a comment from you as you listen.




Téléchargez ce simple / Download the full single:

Le Cardan - L'Évadé de la nuit / Shaffres (1970; Révolution R-2025)

lundi, juillet 28, 2008


Ouvr' donc la porte du garage!

Merci à Félix et Sweet Mélo de nous avoir si bien accueilli lors de leur Vente de Garage! Votre humble auteur a enfin pu devancer les habituels pickers et ainsi profiter d'une sélection alléchante. Merci entre autres pour ce rare simple de l'Équipe 79 et cette mystérieuse acétate-cadeau (78 rpm) d'un prêtre récitant son homélie. Peut-être un futur titre pour le second volet de la compilation Résurrection!, allez savoir...

samedi, juillet 12, 2008

Voilà un spectacle prometteur! (Photo-Journal, 25 septembre 1968)

Réal Barrette - La grosse Toutoune / Y faut jamais faire brailler sa blonde
(1969; Avril A4-107)


Une salve déglinguée, voilà ce que c'est! Avec sa pop-country groundée et féroce, carburant au joual et aux comiques de cigarettes [sic], Barrette crache et décoiffe! Imaginez un simple résultant de la rencontre fortuite de Évariste, Réal V. Benoît et le Bonzo Dog Doo Dah Band et vous y serez à peu près. Publié sur étiquette Avril (Robert Arcand, le duo Elle & Lui), La Grosse Toutoune, ne serait-ce que par la poésie de son titre, vous clouera le bec. Barrette habite son propos sur un country déjanté avec solo de Vox Continental (?) et adopte un ton des plus acides. Plume devait prendre des notes en coulisses...

C'est donc pas drôle d'avoir un amour triste, mais peu à peu j'avoue que je m'en crisse.

Parce que dans l'monde, t'es p't'être pas la plus belle.

Belle de jour ou belle de nuit.


Le délire s'intensifie sur la face B, Y faut jamais faire brailler sa blonde, où le chanteur s'éclate à coup de wah-wah et de fréquences électroniques. Ça sent toujours le dégoût, la hargne:

On s'garroche des fleurs, des fleurs et pis des fleurs!
On s'barbouille de toutes, toutes les maudites couleurs!
On smoke des drôles, des comiques de cigarettes,
pis on r'vient des fois pour tirer s'a gachette!
Mais le coeur de Mamie n'est plus mon ami,
Il ne pleure plus, j'ai marché dessus!

Concluant d'un falsetto désopilant, Barrette ira jusqu'à reprendre quelques notes du célèbre Le p'tit coeur après 9 heures de Roger Miron. Animal, rentre-dedans et irrévérencieux, ce 45 tours est au boutte; pas mal pour un chanteur à boutte...

Barrette en plus de s'éclater le soir sur scène, était aussi de jour un professeur d'anglais. Denis, propriétaire/disquaire/collectionneur émérite du Pick-Up, et lui-même élève de Barrette à l'époque, témoignait que La grosse Toutoune aurait même été joué à l'émission Jeunesse d'Aujourd'hui. Suite à ce seul (?) 45 tours, Barrette signera d'une verve similaire les paroles du nouvel album éponyme de Joël Denis en 1971 (lire l'article sur Québec Info Musique). Laissez votre commentaire à l'écoute! M. Barrette, si vous lisez ceci, manifestez-vous!


What a joyful Bonzo-type psychedelic-country release! An all-joual single, La grosse Toutoune (The fat chick) is a strange country-folk number with organ recalling Plume Latraverse or early 70's Les Sinners. The B-side, Y faut jamais faire brailler sa blonde (Don't you ever get your girlfriend cryin'), is spookier, targeting hippies with wah-wah guitar and weird electronic noises. Leave a comment as you listen!