mercredi, juillet 29, 2009

Le Trio BAK (B. Blain, A. Fraser, K. Vallée; 1964)

Karo Vallée - Discographie Match & Vedette (1re partie)

J'adore Karo. Elle a ce je-ne-sais-quoi qui charme à tout coup, elle investit ses performances, mêmes les plus farfelues, ne pousse pas sa voix comme la plupart des starlettes, ne recours pas à un gimmick bon marché et produit des tubes parmi les plus accrocheurs de l'époque. Sous ses airs de garçon manqué se cache une auteure-compositeur qui ne manque pas de cran, aussi ludique que farouche. Découverte en pleine vague yéyé, voilà une artiste qui dès le départ se démarquait par ses positions; faisant fi de tout flafla, elle s'imposait délicatement en jouant de la guitare, en composant et signant tous ses titres. Une perle rare sur la scène Québécoise des années 60...


Karo (née Caroline Vallée) fait ses débuts artistiques au sein du Trio BAK de 1964 à 1966, aux côtés de Alan Fraser (plus tard de l'excellent duo folk Fraser & DeBolt) et de Brian Blain. Ces premiers pas chez les chansonniers expliqueraient en partie le fait que Vallée soit si près de ses compositions. C'est l'étiquette Match (filière des disques Météor) qui miserait en premier sur ce potentiel, celle-là même qui avait publié l'unique simple du Trio BAK. D'entrée de jeu, elle lui commanderait une série d'adaptations de succès du jour (Bang Bang, Un jour un jour, Ma casquette, Les boîtes à gogo) laissant peu de place à sa créativité (Il m'appelait Goguette). Ces titres seraient ensuite jumelés à ceux d'autres artistes (Les Aristos, Les Internes, Jean Berthiaume) sous forme de 45 tours "partagés" disponibles pour diverses promotions au supermarché. En échange de quelques coupons obtenus à l'achat de pain notamment, vous receviez en prime votre disque! Bon deal pour deux produits essentiels... La chanteuse (ou son label) fait preuve de tenacité jusqu'à l'obtention de son premier hit (Un garçon en mini-juppe, inspiré par le gimmick des Mersey's), son treizième simple en à peine 1 an.

La première reprise commandée à Karo fut Bang Bang en 1966, déjà un hit pour Nancy Sinatra et plus près de nous, Claire Lepage qui avec ce même titre remporterait le Méritas de la Découverte de l'année. D'un point de vue critique, il s'agit d'une curieuse décision que d'opter pour cette chanson, déjà plusieurs fois recyclée; toutefois, Match mise avant tout sur la production d'articles promotionnels, modestement et rapidement. La transition de chansonnière à chanteuse yéyé s'opérerait dans une performance plutôt rigide où Karo s'accroche à son texte en omettant d'y injecter l'intensité nécessaire. Elle se reprendrait deux simples plus tard sur Jimmy Attends-Moi, une délicieuse adaptation d'un hit mineur pour la française Laura Ulmer. Karo ouvre son coeur à son amoureux de campus sur ces quelques couplets-monologues, le suppliant de l'attendre, elle qui est plus jeune. Craquant.



Pour son sixième simple, Karo opta pour l'hymne pop commerciale par excellence de 1967 et revisita le Thème de l'Exposition Universelle de Montréal, Un jour un jour. Ce happening culturel surréaliste aux visions titanesques avait inspiré à Stéphane Venne une chanson thématique vitaminée, sur fond de yéyé, qui devait être chantée par de nombreux interprètes en plusieurs langues, notamment Donald Lautrec, Michèle Richard... et même Nobuo Harada & ses 5 Charaters! L'interprétation de Vallée demeure plutôt mécanique et les arrangements bien que fidèles à l'original, restent limités.

C'est par une version inespérée d'un des premiers succès de Michel Polnareff que la chanteuse effectue le pont entre ses convictions de chansonnière et la musique populaire. Dramatique et reposée, Karo témoigne son affection pour ce succès récent et plutôt méconnu des Québécois dans une interprétation convaincante, soutenue par une production juste et délicate. Pendant que les jeunes filles saturaient de leurs cris la version des Sultans de "La poupée qui fait non" (aussi de Polnareff), Karo exploitait la facette plus intimiste de cette légende en gestation.



Le duo Karo & Donald s'attaque au simple suivant, une version de l'épique Hey Joe, popularisé par Hendrix et de nombreux chanteurs folk dans les années 60, mais dont les origines semblent flous.L'identité exacte du duettiste n'est pas spécifiée sur l'étiquette: serait-ce Donald Pascal (comme l'indique Le Parolier) ou plutôt Donald Boulanger des Aristos (aussi publiés sur Match)? Le débat est ouvert... L'adaptation qu'ils en font demeure d'intérêt, par son accompagnement délicieusement primitif et le ton inhabituellement dramatique de Karo, mais aussi en partie parce qu'elle fut publiée simultannément avec celle de Nanette. Le texte est modifié à la légère mais reste d'actualité, de pair avec le mouvement des Droits Civiques aux États-Unis; curieusement, la violence du drame est toujours au rendez-vous, mais l'arme à ici disparu...

Neige Folle est un titre particulièrement rafraîchissant en cette saison. Son second simple pour sa nouvelle étiquette (Vedettes) partage la même production french-touch et soignée que son 45 tours suivant, l'excellent Sur ta moto; la mélodie est similaire, coquasse et envoutante à la fois. Vous craquerez pour ses couplets à la voix fragile et hautement perchée! Le Tangogo poursuit d'ailleurs dans la même direction en juxtaposant des envolées plus inspirées à quelques mesures ludiques, de rigueur. Karo utilise un thème qui lui est plutôt récurent, soit l'opposition ou mieux le décalage des moeurs de la jeunesse yéyé face à la génération des plus de trente ans. La jeune fille n'en a que pour le gogo alors que le paternel à une prédilection pour le tango. Tout un affrontement, donc, qui s'opère sur des arrangements de Jerry De Villiers. Robert Goulet complète ce nouveau duo. Ce nom ne vous dira peut-être pas grand chose, mais sachez qu'après quelques ballades sur 45 tours en 1964, Goulet devint musicien de studio pour les Disques Vedettes en assurant aussi le rôle de directeur artistique pour l'album de... Melchior Alias sur Capitol! C'est fou comme tout se recoupe... Le duo accumulerait sporadiquement d'autres collaborations sur Vedettes et performe encore à ce jour.



Avec tout ça, nous n'en sommes toujours qu'à scruter les productions de1967 et, bien entendu, la liste des simples de Karo ne s'arrête pas là. En plus de ceux déjà cités, la prolifique chanteuse à pressé plusieurs autres titres, absents de la réédition officielle (Un garçon en mini-juppe) chez Mérite. Lisez sa discographie complète sur l'indispensable Le Parolier. Karo Valée poursuit toujours sa carrière, ayant délaissé la pop à la fin des années 70 en faveur du folk religieux qui la motive spirituellement depuis. L'extrait suivant explique candidement et en détails cette conversion.

Entre temps, la suite de cet article sera rédigée au fûr et à mesure que nous découvrirons d'autres titres oubliés du vaste catalogue des années 60-70 de Karo Vallée. Je tiens à remercier Michel Alario de Misérablement Vôtre pour ses anecdotes à propos de l'étiquette Match. Les photographies du Trio BAK sont tirées du site personnel de Brian Blain. Laissez un commentaire en téléchargeant.



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Karo - Simples Match & Vedettes part. 1



samedi, juillet 25, 2009


Les Disques Majaro

La carrière du chanteur/musicien/producteur Tony Roman est parmi l'une des plus fastes et écclectiques de la scène Québécoise, toutes époques confondues. Ayant un flair particulier pour les tubes et reprises populaires, l'homme sera le catalyseur et le promoteur de plusieurs carrières à succès, découvrant au passsage Nanette Workman, Johnny Farago, Nicole Martin et plusieurs autres. À l'image du producteur américain Kim Fowley, Roman avait ce don du showbusiness pour suivre les tendances culturelles internationales en les introduisant avec ou sans fracas sur les palmarès Québécois. L'important, c'était de produire la saveur du jour...

La Famille Canusa (1967?)

S'il rencontrait un certain succès avec des risques calculés pour les Baronets, Stéphane, Patrick Zabé ou le duo Christian & Gétro, il ne négligeait pas de s'associer parallèlement à des artistes plus enclins comme lui à repousser les limites mêmes de notre spectre sonore. À la manière du Dr Jekill, c'est alors que M. Hyde prenait les devants sur Tony... La nuit venue, vous pouviez l'entendre marteler du piano pour Le Cardan, électrifier des sessions pour les Hou-Lops ou La Révolution Française, participer à l'enregistrement des plus-qu'obscures Ouba et Reels Psychadéliques Vol. I-II (avec Pagliaro, Andy Shorter & Denis Lepage), s'associer au producteur Massiera pour enregistrer l'excellent Maledictus Sound (Expérience 9) et j'en passe... Les intentions de Roman étaient imprimées clairement sur ces rares longs-jeu; Freak-Out Total, stipulaient sans équivoque les pochettes de ces éclectiques projets.


Une idée n'attendait pas l'autre chez Roman et répertorier les nombreux projets auxquels il s'associait représente toujours un défi colossal pour les collectionneurs avertis. Pensez à toutes ces étiquettes de disques qu'il fonda entre 1965 et 1970: Canusa, Révolution, A1, R&B, Élite... Penchons-nous aujourd'hui sur une autre, décidément moins connue: les Disques Majaro.







Il pourrait en exister plus, mais pour l'instant tout porte à croire que ce label n'a eu le temps de publier que trois simples; trop peu pour clairement annoncer ses couleurs. Le groupe anglophile Purpose comptait parmi ses rangs Mario Lucchesi (percussions), Vito di Lorio (guitare), Alex Pasut (basse), Gilles Paradis (Hammond B3) & Jean-Claude Béliveau (chant). Leur simple fut enregistré précisément le 7 mai 1971 au studio de Tony Roman (3215 rue Ste-Catherine Est). Ce simple tout comme les autres fut pressé en mono, un fait plutôt rare pour les années 70. Comme dans le cas des enregistrements domestiques (ou pressages privés), Roman était-il conscient du faible potentiel de diffusion de ces oeuvres pour ne pas s'enquiquiner d'un mix stéréo? Possible, même si cela ne l'ait pas empêché d'investir dans la conception d'une affiche promotionnelle pour le groupe...



Les deux titres sont signés par Pasut, di Lorio & Luchezy [sic] et se rapprochent du son de groupes comme le 25e Régiment (période Ecology) ou bien Sex. Can't you see offre une solide performance blues rock qui ne manque pas de mordant: rythmique pesante et solo à forte dose de wha-wha. Béliveau demeure juste mais trop discret face à l'énergie déployée par ses comparses. Search of sound poursuit sur la même lancée, martelant le Hammond et accélérant le tempo pour suivre la cadence funky du bassiste.


Enregistré lors de la même session de mai 1971, l'unique simple de Francine Santerre bénéficie de l'accompagnement de Purpose. Le groupe parvient à insufler un certain dynamisme aux ballades pop-rock de la chanteuse, calquant sur la formule déjà exploitée à l'époque par Nanette ou Claire Lepage & Compagnie.



Je me suis arrêtée, comme son titre l'indique, ralenti sérieusement le tempo: un curieux choix en guise de face A. L'accompagnement Hammond/flûte et les doubles-pistes vocales ne réussissent malheureusement pas dynamiser cette ballade langoureuse. C'était comme si est décidément plus entraînante, même si la tonalité choisie révèle une chanteuse à la voix hautement perchée, beaucoup plus fine. La performance de Santerre est plus près de celle d'une chansonnière, électrifiée et pastorale à la fois.


À lire les matricules, l'auteur-compositeur Roger Magnan aurait signé le premier simple des disques Majaro. Ce chanteur parfois fantaisiste, à l'origine du "classique" quasi-grivois Le Père Noël c't'un Québécois, réaliserait plus tard certains des arrangements pour l'unique album pop disco de Gaston Couturier et co-signerait même toutes les paroles de l'unique disque du groupe progressif Pollen. On reconnait encore dans ce choix une illustration de la double-personnalité de Roman, misant simultannément sur des artistes plus accomplis, au son actuel et d'autres aux moeurs plus légères... Fonceur; tant qu'à faire un faux-pas, il préférait trébucher plutôt qu'hésiter, ce qui est tout à son avantage.

L'arrangeur français Xavier Monnerot-Dumaine assure la production de ce 45 tours aux accents jouals. La face A, La vie courante, est une ballade légèrement déprimante à propos des hauts et des bas du quotidien qui n'est pas sans rappeler le ton piteux que nous réservait récemment Modus Vivendi. Aux antipodes, c'est le folk rural de la face B, Hey Farmer, qui vous décrochera un sourire. Avec la dégaine nonchalente du Baron Phillippe, Magnan tanné des grands villes image son coin de paradis à la campagne.

J'mets mes culottes et pis mes rubber.
J'me gratte la poche, ça m'fait pas peur.



Merci à Lucien & Yvon Bonneville qui sont toujours en contact avec Jean-Claude Béliveau de Purpose (salutations!), qui m'ont mis la puce à l'oreille au sujet de cette étiquette et qui m'ont gentiment numérisé les simples de Purpose et de Francine Santerre. Si vous déteneniez plus d'informations au sujet des productions méconnues de Tony Roman, n'hésitez pas à nous contacter.

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During Quebec's turbulent sixties, Tony Roman acted as both a successful pop n' soul singer and a madcap producer. Between 1965 and 1970, he recorded more singers and bands you could imagine, putting out records on his multiple and diverse labels such as A1, Revolution, Canusa, R&B, Élite... He managed some more "serious" pop acts like Nanette Workman or Johnny Farago but also had a nick for pushing sound boundaries with fellow bands les Hou-Lops & La Revolution Française, even playing and producing some of the most obscure LPs out there, namely Ouba, Reels Psychadelics Vol. I-II and Maledictus Sounds (with JP Massierra).

Majaro was another one of his side-projects: a small label he ran at the beginning of the 70's, using his home-studio. Only 3 singles seem to have been recorded there, mostly in May 1971. The band Pupose offered two solid and original blues-rock numbers then backed the same day a somewhat shy pop singer, Therese Santerre. They try their best at uplifting her folk ballads; the B-side to her only 45 should please fans of Claire Lepage & Compagnie. Last, Roger Magnan (singer & arranger; co-writer of Pollen's only LP) seem to be the first 45 released on Majaro. While the A-side is downer folk-pop wich doesn't quite gel, the b-side depicting a typical day at the farm is funnier and catchier too.

Thanks to Yvon & Lucien Bonneville for the Purpose & Santerre mp3's. If you'd like to share any infos about Tony Roman's obscure projects, leave a comment or write us about it.