lundi, juin 22, 2009








La Minorité -
Vive la liberté
(1966; Disques Monde 65002)

Les Disques Monde, cette étiquette qui fascine les collectionneurs avertis, avait décidément un penchant pour les talents excentriques, les outsiders... Plusieurs fois plebiscité sur Vente de Garage & Patrimoine PQ pour sa vingtaine de simples 45 tours, le label misait sur des artistes fétiches aux oreilles des amateurs de rock garage: Bob & les Damiks, Les Moribonds, Les Standells, Yvon Bonneville, le Baron Philippe et même Nono Deslauriers s'y distinguent par leur son primal et leurs interprétations débridées. On ne s'en lasse pas. On y publia aussi quelques rares albums; au gré de mes recherches, deux seuls furent répertoriés: Les Différents (65001) et La Minorité (65002). D'après messieurs Bonneville, un troisième long jeu existerait, une compilation plus précisément; si vous pouvez confirmer ou non cette supposition, écrivez-nous.

La fête de tous les Québécois, la
Saint-Jean-Baptiste, est à nos portes. En marge des célébrations plutôt rangées de Montréal (celles de Québec se distinguent), plusieurs événements alternatifs ont lieu en province. Le spectacle L'Autre Saint-Jean, qui se déroulera au parc Pellican de Montréal, aurait sûrement apprécié une meilleure publicité. Résumons: le groupe Lake of Stew et l'homme-orchestre rockabilly Bloodshot Bill furent invités à jouer, aux côtés de Malajube, Vincent Vallières et cie. Un promoteur se plaint que ces artistes ne chantaient qu'en anglais et, comme la Fête Nationale impose la langue française, la situation devenait délicate aux yeux des organisateurs. Exit donc Bloodshot et Lake of Stew. Un débat médiatique s'intensifia dans les jours suivants avant que la situation ne soit rapidement corrigée: les deux artistes pourront finalement chanter et ils le feront dans leur langue, l'anglais. Lisez toute l'histoire ici. Il demeure essentiel d'insister sur la prédominance de la langue française au Québec, ça va de soi, mais jamais au détriement d'autres Québécois de souche. La nationalité des Québécois anglophones méritait-elle d'être remise en question? Non. Ils sont pourtant établis en province depuis des siècles et , comme vous et moi, ils ont des droits. Les collets bleus (nos propres redneck) du Québec n'ont-ils rien appris, négligeant de s'unir aux autres minorités de leur propre province pour s'affirmer ultimement comme ce grand peuple dont rêvait Lévesque?

C'est aujourd'hui La Minorité qui nous offre une leçon d'humilité 101... si vous voyez ce que je veux dire. Référons-nous aux notes de Réjean Lizotte, au verso de la pochette.

La France à "Les Double Six", les États-Unis ont "The New Christy Minstrels", le Québec à maintenant "La Minorité". Ce groupe, sans guitare électrique, sans garçons aux cheveux longs, sans filles à gogo est ce qu'il y a de plus nouveau sur le marché Québécois de la chanson.Pleins d'enthousiasme, pleins de ferveur, ils sont 17 garçons et filles, parlant anglais et chantant en français. Ils chantent leur amour, leur mélancolie, leurs fanfaronades avec ardeur. Amoureux, ils le sont dans Mon pays de Gilles Vigneault. Mélancoliques, ils le sont dans La Manic de Georges Dor. Fanfarons, ilos le sont dans Le gtrand six pieds de Claude Gauthier. Ils chantent aussi plusieurs versions françaises de chansons folkloriques américaines.



Le nom du groupe vient de la langue maternelle des chanteurs: ils sont pour la plupart Anglo-Québécois Tous ont en commun leur étiquette Québécoise. Québécois, tous le sont, et de la plus "pure laine". Sept sont des filles: Cheryl Giffin, Barbara Smith, Margaret Delaney, Nancy Embregts, Diane Simard, Florence Levers & Mariette Legault. Sept sont des garçons: Jim Fraser, Andy Cohen, Don Grovestine, Gary Hicks, Bob Kirkwood, Bob White & Bruce Carter. Pour les diriger: Gary Ouellet, accompagné à la guitare et au piano de Penny Skelton et John Embregts. Ils vous offrent maintenant leur premier microsillon en langue française. Mais il faut une oreille bien fine pour remarquer le léger accent "ennemi". Quand vous l'aurez dix fois remis sur le tournedisque, vous n'y entendrez plus que du feu.

Ensemble, les Ouellet et les Fraser, les Simard et les Smith, les Cohen et les Delaney nous prouvent que c'est une bonne alliance, une qui va au-delà des langues. Qui sait, du jour de ce disque, être une minorité sera peut-être un statut qu'on recherchera.

Étonnant! Bon, je vous l'accorde, certaines tournures sont mal choisies (un léger accent ennemi) ou mal formulées ( joindre une minorité à la mode? ). Saluons essentiellement l'audace de ce groupe! Il se distingue déjà des autres artistes signés sur Disque Monde par son approche strictement folk et ses chants plutôt pesants. Sobres, ces interprétations teintent malgré tout d'une couleur singulière notre courtepointe fleurdelysée, tissée serrée.

CONCOURS :

Profitons de la Saint-Jean-Baptiste pour entretenir notre mémoire culturelle au diapason de notre devise: Je me souviens. J'offrirai un (1) exemplaire du plus récent essai de Réal La Rochelle, Le patrimoine sonore du Québec; La Phonothèque Québécoise , parmi ceux qui pourront identifier au moins une reprise (différente des trois nommées plus haut) interprétée par La Minorité et du même coup nommer l'original (titre ou artiste). Je recueillerai vos réponses et divulguerai un(e) gagnant(e) le 1 er juillet 2009. Acheminez votre réponse au kiosquealimonade@yahoo.ca ou laissez un commentaire à la suite de cet article.
Bonne chance!


Bonne Fête à tous les Québécoises & Québécois...sans exception!


The Disque Monde label output has collectors salivating over great under-rated garage numbers from such diverse acts as Yvon Bonneville, Les Moribonds, Bob & les Damiks, Le Spectre and many more (see links in the french version below). They also produced some scarce LPs like Les Différents (65001), La Minorité (65002) and another rumored compilation.

La Minorité (The Minority) is a bunch of (mainly) anglophones from Quebec, 17 musicians total: our own New Christy Minstrels if you like. So, instead of the usual garage-beat record, this label also covered the folk scene. This record has no long-haired musicians, no gogo girls nor electric guitars (as stated in the liner notes) but still offered something quite unique for the era: local english-speaking artists covering french-canadian folk standards (and other US favorites) and singing them in french! Totally in sync with this Saint-Jean Baptiste's (our national holyday) festivities where a couple of "blue necks" objected to the performance of english-speaking artists at a Montreal show and thus forgeting that they're still as Quebecois, no mater what language they speak... Happy Saint-Jean-Baptiste to all Quebecois, no exceptions!


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La Minorité - Vive la liberté (1966; Disque Monde 65002)

lundi, juin 15, 2009

The Medium - The Medium (1969; Gamma GS-503)








Enregistré à Montréal en 1969 et publié simultanément sur Gamma avec l'album de Anthony Green & Barry Stagg, l'unique album du groupe anglophone The Medium pourrait bien être cité comme l'un des premiers au Québec à s'être aventuré sur des mouvances progressives. Le medium, la matière; ce solide sobriquet semble tirer profit du populaire dixit que Marshall McLuhan pondait en 1964: The medium is the message. Il n'y aurait pas eu de mal à l'utiliser comme gimmick publicitaire: ce slogan aurait été tout à leur honneur. Le groupe était composé de Steve Blackwell (percussions), Robert Ellis (voix, harmonica), Pierre Latreille (guitare), Neil Mallot (basse) & James «Jim» Solkin (orgue, piano), qui signe tous les titres de l'album. C'est aussi ce talentueux claviériste qui à la même époque composait en majeure partie la trame sonore du film-culte de Claude Jutra, Wow. Cette bande originale (qui ne fut malheureusement pas publiée sous forme d'album) fera le bonheur des connaiseurs, proposant autant d'extraits de l'album que de titres inédits du groupe! Le film est un témoignage franc et habilement cabotin de la jeunesse Québécoise au tournant des années 60: un visionnement essentiel, gracieuseté de l'ONF. Voyez d'ailleurs une perfomance mimée des comédiens sur un titre inédit à37m00s. Serait-ce aussi le véritable chanteur de groupe? Je ne crois pas. Le générique du film le nomme Dave; son portrait n'apparait pas sur la pochette du disque, mais sa performance, même en lipsync, demeure plutôt convaincante.



Selon l'ouvrage de référence La Merveilleuse Époque... de Léo Roy, le batteur Luc Robert du groupe La 5e Dimension aurait été membre de Médium [sic] suite à la dissolution de son premier groupe. Idem pour le chanteur de Benjamin & les Incas, Laurent «Benjamin» Bégin. Auraient-ils été membres avant ou après l'enregistrement ou bien utilisèrent-ils des pseudonymes? Parlait-on d'un autre groupe nommé similairement Médium? Pour le moment, je ne peux rien vous confirmer, mais j'espère qu'une bouteille-à-la-mer lancée en direction de James Solkin me revienne. À suivre...

Revenons à la musique. Le quintette orbite autour des vibrations émanants du Hammond et d'une panoplie d'orgues combos, suivant la fougueuse cadence imposée par le doigté de Solkin. Pour l'époque, je ne peux avancer d'équivalents Québécois, encore moins francophones; la vague déferlante du rock progressif PQ ne débuterait après tout que plus tard, avec entre autres le VEBB ou l'album Dimension M de Franck Dervieux en 1972. Par ses atmosphères dramatiques révélants au passage des mélodies accrocheuses, quasi circassiennes, l'album se situe bien dans une mouvance jazzée empruntée alors par des artistes psychédéliques américains. Des groupes comme Phluph et Mandrake Memorial, appuyés par des organistes aussi éclatés que minutieux, n'hésitaient pas non plus à mettre les claviers à l'avant-scène pour mieux situer leur fusion du jazz au rock, ambiances baroques et lysergiques en prime. Esthétiquement, un parallèle pourrait être tracé avec l'obscure groupe Aggregation qui publiait en 1969 un album d'étranges chansons atmosphériques... quasi circassiennes, justement, où une récente série de spectacles en résidence à Disneyland inspira un croisement entre leur trame sonore pour le pavillon Tomorrowland et l'expérience lysergique. Quel trip! 

Les influences jazzées sont plus présentes chez The Medium, le chant étant relégué au second plan derrière les prouesses de l'organiste et les envolées en contrepoint de Latreille, aussi corrosives que méticuleuses. Le jeu de ce dernier insufle d'ailleurs une saveur westcoast à l'ensemble. Les breaks instrumentaux prolongés sont de rigueur, mais developpent des ambiances à la fois dramatiques et ludiques sans pour autant produire de longueurs.



Dans son livre, le collectif américain Acid Archive ventait l'inventivité du groupe et l'aspect non-linéaire des structures musicales, mais critiquait parallèlement les prouesses vocales de Ellis. S'il est vrai que le chanteur n'hésite pas à théatraliser sa performance par moments, son chant est loin d'être aussi faux qu'on lui reproche. Il y a certes quelques écarts sur In Between, mais ultimement son jeu rejoint le délire qu'impose la mélodie. 

New Thing, un titre à propos pour cette pièce instrumentale, annonce déjà en introduction de grandes choses: un habile batteur jazz, un jeu d'orgue pesant, une guitare solo incisive. Du plomb dans les dents! La mélancolique My lady lies forever apaise la cadence et révèle un Ellis juste assez lyrique. À mon avis, c'est cet aspect de son chant qu'il faut retenir; sans gonfler son interpétation jusqu'à en personifier le Roi Lézard, Ellis navigue avec une certaine retenue, conscient de ses limites vocales. Plus loin, le groupe adoptera une approche encore plus intimiste sur la fragile Two by two (voix, piano, maracas), où le chanteur, plus désinvolte, marque une courte pause avec le style plus éclaté qu'il offre sur le reste de l'album. Give me a peace démarre aussi en douceur avant d'évoluer en une suite baroque'n roll, carabinée et fuzzée à souhaits. On ressent toute l'énergie d'une performance enregistrée live. Alors que The mouse ou Melon semblent tergiverser sans vraiment développer de structures solides ou de mélodies mémorables, le groupe se resaisit pour I love everyone at last. La chanson s'élabore sur différents styles qu'auraient appréciés Roy Wood (The Move) ou Keith Ermerson (The Nice), passant d'une valse baroque à des élans plus fougueux et saccadés. Couplé avec My lady lies forever, ce titre avait du potentiel et aurait pu être publié en 45 tours, mais Gamma choisit de miser uniquement sur le LP; aucun simple, à ma connaissance, ne fut extrait du long jeu. In Between par ses mélodies inquiétantes et son interprétation cabotine intensifie l'effet circassien décrit précédemment. Faites entrer les saltimbanques! Stars conclue le tout sur une note plutôt joyeuse; une composition laborieuse et agitée, entrecoupée d'un air charmante au mélodica (ou est-ce un accordéon?) et ponctuée de chants en soubresauts. Cette chanson rappelera la performance mimée du film de Jutra. Wow, effectivement.

Par ses ambiances psyquédélique, ses structures atypiques et son jeu de clavier à la limite des démonstrations hypertrophiées qu'imposerait bientôt le rock progressif, l'unique legs du groupe The Medium pavait déjà la voie qu'emprunteraient bientôt nombre d'artistes Québécois. En constatant toute l'inventivité de ce quintette, il est plus que tentant d'imaginer une suite à ce long-jeu. Le groupe avait tant de potentiel; il aurait pu évoluer et s'imposer sans trop de peine dans la décennie suivante. Dommage que l'aventure n'ait été de si courte durée... Solkin réaliserait bien quelques années plus tard la trame sonore du documentaire animalier La volée des neiges (1976; ONF) et co-fonderait à la même époque le Café Santropol (Montréal), mais qu'est-il advenu depuis des autres membres talentueux de ce groupe? Messieurs du Medium, la parole est maintenant à vous... Merci à mon ami Gaétan B. qui m'a gentiment prêté cet album convoité. 

Produced in 1969 in Montreal, the sole album from The Medium (not to be confused with the UK band of the same name, of 'Edward never lies' fame) is a rare treat of early prog rock in Quebec, fusing jazz, rock with some pretty intense organ playing. The band was composed of Steve Blackwell (percussions), Robert Ellis (vocals, harmonica), Pierre Latreille (guitar), Neil Mallot (bass) & James "Jim" Solkin (organ, piano), who composed all titles on their eponymous LP. According to Leo Roys' reference book La Merveilleuse Époque... , the drummer from Quebec's psychedelic combo La 5e Dimension joined The Medium after his own band collapsed in 1968. Same thing for Laurent "Bejamin" Bégin of the obscure garage band Benjamin & Les Incas. Did they joined before or after the LP was recorded? Were they using pseudonyms? I've contacted M. Solkin, let's hope he answers back and rectifies some of these mysteries.

Solkin produced at the same time the original score for Claude Jutra's cult-movie Wow, about Quebec's young generation at the turn of the sixties. A fascinating and essential viewing. You'll also hear many new and unreleased tracks performed by The Medium as well as a mimic performance by the comedians at 37m00s. Read an article for their sole LP in the Acid Archive. While I find it accurate on many aspects of this LP, I thought like many, that the bad review for Ellis's vocals were a bit tough. His voici isn't as strong as the other instruments involved here and the emphasis is mainly put on the organist; still he manages to pull some chops and dramatize to some degree his singing to match the intense play between complex organ melodies and guitar solos. A bit amateurish but devoted: give the guy some credit! The sound of the band is reminescent of those of Phluph, Aggregation or even Mandrake Memorial but with a disctinct flavor. Solkin's melodies mixes jazz, baroque and rock with a bold and fresh attitude: no oversized prog moments here but great and extanded solos nevertheless. Leave a comment as you download and, as english speaking fans, write me what you really think of this one. Thanks!
 

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The Medium - The Medium (1969; Gamma GS-503)

jeudi, juin 04, 2009

Patrimoine PQ reçoit...

Misérablement Vôtre est un groupe de discussion où convergent collectionneurs et autres archéologues musicaux pour partager leur passion et connaissances des groupes rock, garage, psychédéliques -alternatifs, quoi!- des années 60 au Québec. Sous l'oeil futé de Michel Alario (Les Macchabées), c'est l'endroit idéal pour rejoindre des férus de notre histoire musicale. Inscrivez-vous ici.

Ainsi, le récent congé qu'apportait la Journée des Patriotes semblait tout désigné pour réunir une trollée de blogueurs musicaux qui y contribuent, la crème des phonoblogueurs, et d'audiophiles en tous genres. Patrimoine PQ reçoit...




Saurez-vous tous les reconnaître? Merci à Otis (The Bran Flakes) & Mireille (À la Carte), Félix (Vente de Garage), Isabelle & Simon (Psyquébélique), la charmante Véronique, l'ami et collectionneur émérite Gaétan (Samsara; Rainfall) ainsi que Michel (Misérablement Vôtre) pour cette charmante soirée platine & becue.