jeudi, mars 31, 2011

Les Convix, premier concert à la cabane à sucre en 1965 (Collection personnelle G. Rhéaume).

Le parcours artistique de Guy Rhéaume

Les Convix - Tante Marie chante et raconte Batman

(Élysée / Chance BTM-101 ; décembre 1966)


En octobre 2010, j'ai eu le privilège de m'entretenir quelques heures avec le chanteur/musicien/ingénieur/producteur Guy Rhéaume chez lui, à son studio de Boucherville. Si ce nom ne vous est pas déjà familier, nous tâcherons de vous éclairer à propos de ses nombreuses réalisations entre 1965 et 1972 dans une série de trois articles entièrement dédiée à ses contributions devant et derrière la console. Voilà bien une rencontre que j'appréhendais depuis quelques années!

Au milieu des années 60, Rhéaume entreprit une prolifique carrière musicale. Assistant d'abord pour les enregistrements du producteur André Perry, ce multi-instrumentiste fonda rapidement son premier groupe, Les Convix, avant de poursuivre l'aventure jusqu'à la fin des années 60 au sein du groupe psychédélique montréalais Le Cardan. Deux albums en solo et de nombreuses réalisations lui seraient aussi crédités au tournant de la décennie 70, mais ce n'était encore que les débuts d'un impressionnant parcours professionnel qui l'amènerait à travailler avec Robert Charlebois, Le Grand Cirque Ordinaire, Anne Renée, Ginette Reno, Johanne Blouin et tant d'autres depuis 40 ans. Retour sur les débuts d'une prolifique carrière...

Le trio Les Convix, 1965 (de gauche à droite Johnny, Guy & Gerry). Collection personnelle G. Rhéaume.

Guy Rhéaume: J'ai commencé en faisant du country, on avait Roger Miron et Marcel Martel comme clients, d'ailleurs tout ceux qui étaient chez Rusticana.

Sébastien Desrosiers: Vous étiez déjà ingénieur à l'époque?


G.R. J'étais l'assistant de André Perry, assis à côté de lui un an et demi avant de commencer sérieusement. Un samedi matin, on avait une session prévue pour un album de Monique Gaube et il m'a dit: «Vas-y, ça me tente pas, j'ai mal à la tête». Je suis entré seul au studio, les musicens sont arrivés et j'ai du me débrouiller avec ça.


S.D. C'est jeune pour prendre le studio en charge...


G.R. J'ai commencé à 16 ans.


S.D. C'est plutôt exceptionnel!


G.R. Aujourd'hui, je dirais que oui. J'ai eu moi-même des élèves assistants qui sont venus ici. Ils avaient déjà 25 ans et sortaient de l'École du Showbusiness ou de l'Institut Trebas. Dans mon temps, y'avait pas de tout ça: on apprenait sur le tas.


Les Convix, premier concert à la cabane à sucre en 1965 (Collection personnelle G. Rhéaume)

S.D. Revenons sur les débuts des Convix, votre premier groupe.


G.R. Au départ, vers 1965, nous étions trois: Jean-François (Johnny) Bourtumieux, Gerry Labelle et moi-même. On jouait pour des parties. Le problème, c'est qu'on avait pas de basse. J'ai demandé à Johnny s'il connaissait un gars. Il étudiait à la Polytechnique à Laval et ramena un étudiant qu'il avait connu là-bas, Gilbert Soucy. Johnny proposa qu'il devienne second guitariste afin que Gerry prenne la basse. À quatre, nous avons fondé un nouveau groupe. À ce moment, Gilbert fit entrer Denis (Soucy) dans le groupe.


Rapidement, on trouve une gig pour aller jouer dans un cabane à sucre de Mont-Laurier. On avait pas de nom, mais j'en trainais un depuis longtemps. On adopte le nom des Convix. On l'écrit sur le bass drum. En revenant de la gig, Johnny nous informe que sa famille déménagera bientôt aux États-Unis; nous perdions à nouveau un membre. Denis invita Michel à se joindre au groupe et malgré ces quelques changements, nous
sommes demeurés Les Convix. Pour plusieurs années à venir d'ailleurs...


Les Convix, Hôtel du Lac des Écorces, 1965 (Collection personnelle G. Rhéaume).

G.R. Après la cabane à sucre, je suis aller cogné à la porte de l'Hotel du Lac des Écorces pour un emploi. Finalement, on est devenu le house band de l'hôtel et on a joué là un an et demi. Ensuite vint l'Hôtel de Val Barrette. Apparemment, on avait vidé cet hôtel depuis qu'on jouait au Lac des Écorces. On jouait les Ventures et plein d'autres titres instrumentaux.

S.D. Quelques compositions originales?


G.R. Pas encore. On jouait plutôt Ebb Tide, Harlem Nocturn, Yellow Bird, des cha-chas et des rumbas. On commençait à avoir un following ! Les gars avaient de grosses familles donc ça faisait beaucoup de frères, de soeurs et d'amis qui venaient nous voir jouer. L'hôtel était tout le temps plein. L'hôtellier de Val Barrette nous a finalement approché et voulait nous payer plus cher pour aller jouer à son établissement. C'est comme ça qu'on a pu jouer un an à Val Barrette.


S.D. Ça forge les musiciens!



S.D. J'imagine que c'est comme ça que les Convix en viennent à développer un son, ce qu'on retrouve d'ailleurs sur l'album de Tante Marie chante et raconte Batman. Comment avez-vous été impliqués avec l'étiquette Élysée?

G.R. Ça c'est vraiment nos tout-débuts sur disque. C'est à cause d'André Perry. Il est venu me voir en me disant qu'il cherchait un band pas cher pour faire un album de Batman. Je lui ai dit «J'vas le faire, moi!». Y'a répondu « Ben j'vais vous enregistrer ». Aussi simple que ça. Visiblement, ça devait être à l'origine pour l'étiquette Chance, mais ça ne s'est pas concrétisé. Élysée, c'était une étiquette western.


S.D. Y'avait bien aussi quelques groupes garage comme vous (Les Asteks, Les Loups). Où avez vous enregistré l'album?


G.R. Aux studios d'andré Perry, à Brossard. Ça a pris une couple de jours. Le premier, soir on a fait les basic tracks, le lendemain les voice over et ça a pris une troisième journée pour le mix d'André. J'ai fait les choeurs aussi là-dessus, mais j'ai rien écrit.


Les Convix, salle de l'École Plytechnique de Mont-Laurier, 1965 (Collection personnelle G. Rhéaume).


Les Convix, Outremont (Montréal), École Lajoie, 1965 (Collection personnelle G. Rhéaume).

S.D. On peut entendre le groupe sur quatre chansons. Avez-vous néanmoins composé la musique pour accompagner des paroles rédigées à l'avance?

G.R. Non. On les avait appris en anglais, en premier, avant de les adapter. J'étais allé chez Clairette (Michaud; Tante Marie); son sous-sol était équipé avec une enregistreuse alors on a pu répéter, elle et moi. En rentrant en studio, on a tapé ça live. Je pense qu'on était les trois aux choeurs (avec Diane Michaud).

S.D. Est-ce que les Convix ont déjà interpété sur scène ces chansons de Batman?


G.R. Non et il n'y a eu aucune promotion.


S.D. C'est un pur projet d'exploitation (d'une mode passagère) et si je ne m'abuse, l'album fut publié le 31 décembre 1966. Est-ce que le groupe à persévéré longtemps avant de devenir Le Cardan?


G.R. Oh oui, un bon bout. Un moment donné, tout le groupe est revenu à Montréal pour étudier après avoir joué à Mont Laurier tout l'été. J'habitais alors avec André Perry, mais on avait plus d'endroit pour pratiquer. J'ai téléphoné à un ami d'école, Richard Émond, pour lui demander s'il aimerait jouer dans un band. «Mets-en, en plus j'ai une place dans ma cave pour pratiquer», qu'il dit. Dans le fond, Richard est surtout entré dans le groupe parce qu'il avait un local de pratique! *rires*

Les Convix, 1966 (Collection personnelle G. Rhéaume).

G.R. Je l'ai présenté aux trois autres Convix et il l'ont aimé. Il jouait déjà de la guitare et avait son propre ampli alors il s'est mis à la rythmique. Il connaissait aussi un autre de mes amis d'école, Reynald Beaupré. Il a proposé qu'il devienne notre gérant et je dois dire qu'il a été très efficace. On s'est alors mis à jouer beaucoup à Québec... [ À suivre dans le second volet de cette série, Le Cardan - 1967-1970 ]



Maintenant que les présentations sont faites, concentrons-nous sur l'unique album offrant quelques titres des Convix, Tante Marie chante et raconte Batman. À la manière d'un simple long jeu de contes, celui-ci se démarque d'autres «strictement récités» en proposant quatre adaptations musicales par les Convix en plus de faire appel au groupe pour ponctuer de quelques élans instrumentaux le récit en deux parties de Tante Marie. Les albums de contes pour enfants avaient la cote à l'époque et ceux qui connaissent déjà l'autre aventure de Batman publiée sur étiquette Blanche-Neige seront en terrain connu. Ce dernier n'offrait qu'une mince histoire jouée malhabilement sur les deux faces par des comédiens anonymes de dernier ordre. Ici, le personnage de Tante Marie (Clairette Michaud) fait de son mieux afin d'imager une nouvelle aventure sans queue ni tête opposant le Professeur Milo aux valeureux justiciers, Batman et Robin. Je vous laisse le soin d'analyser ce récit dans la section «Commentaires». Profitez-en pour m'expliquer comment fonctionne selon vous le liquide à projections hypnotiques du méchant...

La pochette offre un impact graphique indéniable et montre la plupart du temps un autocollant au logo des Disques Élysée recouvrant celui de l'étiquette Chance (ma copie ne fait pas exception). À ma connaissance, cette dernière étiquette ne publia qu'une poignée de 45 tours et ne put jamais financer la production d'un album. Le disque fut donc racheté par Élysée. Chance avait néanmoins déjà imaginé un matricule thématique (BTM-101), aussi repris par Élysée qui ne prit pas la peine de corriger les détails publiés au revers de la pochette (Wrigler?) ou d'y altérer le logo de Chance.


Crash! Pow!! Zokk!!! Les Convix explosent sur quatre chansons, toutes signées Lucien Brien, un parolier québécois fort productif durant les années 60 (près de 300 titres portent sa signature!!!). Les chansons originales furent adaptées de l'album américain Children's Treasury of Batman Musical Stories (Tifton; 1966), pour lequel le compositeur Tony Eira avait imaginé divers thèmes notamment pour les truands (Le Pingouin, Le Joker). Le projet de Tante Marie n'opta que pour revisiter le Thème de Batman , Look out for the Batman (En garde! Voici Batman ), The wonderful boy wonder (Le merveilleux compagnon ) et Here comes the Batmobile (Voici la Batmobile ). Totalisant moins de 27 minutes sur disque, ces quelques chansons, tout comme la mode de Batman, ne faisaient que passer... non sans fracas!


Si les traductions de Brien ne s'éloignent que très peu des paroles d'origine, l'énergie et l'urgence qu'insufflent les Convix aux morceaux détonnent habilement tout en demeurant plus fidèles à l'esprit «à go-go» de la populaire série télévisée (1966-1968). Des interprétations originales, le groupe ne retient que les chants, plus lyriques si j'ose dire; le tout contraste joliment avec les rythmes bruts propulsés par les musiciens. Le Thème de Batman (curieusement absent de la version américaine de l'album) démarre en trombe sous un tonerre de drumfills. Contrairement à la version des Hou-Lops, celle-ci est en majeure partie instrumentale; elle permet toutefois à l'écho des guitares de se fracasser à une roucoulante ligne de basse. Décidément, sur scène, ce groupe devait être plutôt intense! En garde! Voici Batman poursuit sur la même lancée, passant en mode mineur afin d'accentuer la menace que représente le mystérieux vengeur masqué. Un pont plus aérien révèle un timide solo de guitare pas piqué des vers. Une version alternative de la piste instrumentale fut aussi insérée en introduction à la seconde partie du récit Batman devient lâche.

Les Hou-Lops obtinrent aussi beaucoup de succès avec leur propre version du Thème de Batman en 1966.

La face B offre un rare hommage à Robin, fidèle comparse prépubère de Batman dans la série de 1966. Le merveilleux compagnon s'impose comme l'adaptation la plus ludique de l'album, plus près des ritournelles auxquelles on s'attendait de la part de Tante Marie. Le groupe, dans un registre près du hillbilly, demeure toutefois solide dans son interprétation. La plus glorieuse des versions que propose le groupe se terre à la toute fin de l'album. Voici la Batmobile: écoutez ce bruit! Y'a pas à dire: ce dernier titre se démarque aisément par sa vrombissante utilisation d'un riff fuzzé (un vrai de vrai fuzz en 1966: étonnant!) qui fait instantannément mouche et s'installe entre vos deux oreilles pour y rester. Rhéaume roule à fond sur les toms pour amplifier le passage de la mythique Lincoln Futura 1965 modifiée. Si la prose n'offre que bien peu de substance (Aucune automobile ne passe devant car on sait que Batman et Robin sont dedans ), le refrain, lui, déménage! Le Professeur Milo n'avait qu'à bien se tenir...



Je tiens à remercier chaleureusement Guy Rhéaume pour son accueil et sa générosité. Son témoignage se pousuivra sous peu dans le second volet de cette série qui cette fois, s'attardera à la seconde incarnation des Convix sous le vocable résolument psychédélique Le Cardan. Un merci tout spécial aux amis Simon M. Leclerc (Psyquébélique) et Satan Bélanger pour leurs précieuses contributions.


J'en profite aussi pour lancer un appel aux autres membres des Convix / Le Cardan. Votre témoignage nous importe! Je vous invite à nous écrire afin que nous publions votre version de l'histoire du groupe. Laissez un commentaire et... bonne écoute!


Téléchargez l'album / Download the complete album:


Les Convix - Tante Marie chante et raconte Batman (Élysée/Chance BTM-101; 1966)

jeudi, mars 17, 2011

Avant Le Message, il y eut... The Tamy. De gauche à droite: Serge Vallée, Daniel Turcotte & Jacques Plourde (Collection personnelle de Daniel Turcotte).


Le Message - Une partie de son coeur / Lydia
(Sonore S 8012; avril 1968)

*mise à jour*

Lorsque j'ai publié un bref article sur le groupe québécois Le Message en mars 2011, un flou artistique enveloppait toujours le groupe. Qui étaient donc ces musiciens inventifs, demandais-je? J'ai lancé une bouteille à la mer... et elle m'est finalement revenue quelques mois plus tard par l'entremise d'un charmant couriel de Daniel Turcotte, batteur original du groupe. Fini l'anonymat: levons maintenant le voile sur ce groupe méconnu.

Le Message était un petit groupe de Duvernay, aujourd'hui fusionné à la ville de Laval, comme il y en avait des centaines qui pullulaient partout au Québec dans les années 60. Le band a pris naissance en 1966 sous la forme d'un trio composé de Serge Vallée (guitare), Jacques Plourde (basse) et moi-même, Daniel Turcotte (batterie). À l'origine, nous nous appelions The Blue Birds. Plus tard, pour faire référence au film du concert The TAMI Show, nous nous sommes rebaptisés The Tamy. Le nom Le Message s'est définitivement imposé par la suite.

Quelques mois plus tard, l'organiste Robert Prairie (malheureusement mal orthographié sur notre disque) s'est joint au groupe. La nouvelle dimension apportée par Robert nous a ouvert les portes vers une musique plus élaborée et nous a permis d'interpréter qu'on ne pouvai se permettre auparavant sans la sonorité de l'orgue. En plus de la batterie, je touchais aussi un peu le piano puisque mes parents en possédais un. Je l'utilisais surtout pour de modestes tentatives de création de chansons. C'est comme ça qu'un jour, la pièce Une partie de son coeur est née. Je n'avais pas de paroles pour la chanson, mais lors d'une répétition, Robert s'est présenté avec un texte qui allait très bien avec la ryhtmique de la pièce. Adopté!

Le Message aux Studios Stéréo Sound de Montréal, 1968 (Collection personnelle de Daniel Turcotte).

Le 45 tours fut enregistré aux Studios Stéréo Sounds sur Côte-des-Neiges à Montréal. Le son du disque m'a toujours un peu déçu car il ne réflète vraiment pas notre sonorité réelle. Si seulement vous pouviez entendre les bandes originales, vous seriez étonnés par la différence! Particulièrement sur Une partie de son coeur, où on entend à peine l'orgue dans le fond alors qu'il était beaucoup plus présent en réalité; ça donnait une sonorité bien plus enveloppante. En passant, ce piano que tu qualifiais de honky tonk, c'était un piano à queue! C'est tout dire.


Lydia est une pièce composée par Serge Vallée sur laquelle j'ai pu coller des paroles qui m'étaient inspirées par une situation qu'une connaissance vivait. Je crois encore, 45 ans plus tard, que Jacques interprétait très bien ces deux pièces. Et pour la petite histoire, Jacky avait effectivement une légère sonorité anglophone...


Il est étonnant de constater qu'aucune des deux faces de cet unique simple ne fut compilée ou rééditée depuis sa parution originale. Pressé sur l'étiquette Sonore en avril 1968, le simple ne semble pas avoir bénéficé d'une quelconque promotion et sombra rapidement dans l'oubli malgré le talent et la fougue de ses interprètes.


Aux premières notes martelées sur un piano aux sonorités honky tonk, on remarque l'inventivité du Message gravitant autour de l'instrument: une signature plutôt épisodique au sein des groupes de l'époque. Dès que la ryhtmique se fait sentir, une section de cuivres élève et dramatise parfaitement cette histoire de rupture amoureuse. Le chanteur à la verve violente et au léger accent anglophone ajoute ce qu'il faut de soul à l'ambiance. Exhaltant!

On note rapidement que plusieurs instruments sont engouffrés dans le mix original, innexpliquablement relégués au second rang. Le son général des deux faces est en effet plutôt fin et manque de rondeur, de chaleur; le groupe n'est toutefois pas à blâmer. Loin de là! Une écoute attentive permettra ainsi d'apprécier la présence d'une section percussive aussi nerveuse qu'imposante et d'une guitare solo acérée qui aurait gagnée à être placée à l'avant-plan. Sans nécessairement être du registre pop-psychédélique, cette composition de Robert Prairie et Daniel Turcotte témoigne néanmoins d'une influence northern soul indéniable.









En arpentant les disquaires pour mettre le grappin sur ce simple, j'étais initialement motivé par la possibilité que Lydia soit en fait une adaptation francophone de Lydia Purple , second simple des Collectors (groupe de Vancouver, pré-Chilliwack). Il n'en est rien. Nous sommes plutôt récompensés par une autre composition originale, cette fois signée Daniel Turcotte et Serge Vallée. Dans un registre définitivement plus atmosphérique, le groupe ralenti la cadence et colore d'un certain mysticisme cette déchirante ballade à la prose, somme toutes, ininspirée. Le chanteur ne se rend-t'il pas compte que c'est sa timidité qui aura le dessus sur cet amour impossible? Je connais une fille; elle se nomme Lydia. J'aime cette fille, mais elle ne le sait pas...


Pourtant, comme ce simple, au Québec, les Lydia, ça ne court pas les rues! Résonnant comme la rencontre fortuite du son de groupes aussi différents que Le Cardan et... César et les Romains (pensez à Je sais ), cette face B séduit par sa singulière vibration, émanant à nouveau d'un subtile jeu aux claviers. Un Hammond, un grand piano ainsi qu'un clavichord roucoulent sur cette valse qui cède efficacement à un bref solo de guitare sèche électrifiée et de sincères passages parlés de rigueur. «Regarde-moi, j'te parle» peut-on entendre dans les toutes dernières secondes. J'achète, mais visiblement, Lydia ne comprenait pas le message... Qui écoutait alors?

Je tiens à chaudement remercier M. Turcotte pour sa générosité. Transmettez-lui votre admiration en laissant un commentaire. Bonne écoute!

Here's a rare find on the small Sonore label, offering two originals titles. While "Une partie de son coeur" (A part of her heart) is an up-beat piano-driven pop number with brass, the b-side (Lydia) is a moody pop-psych song with sweet Hammond and clavichord vibes. Lydia has no connexion whatsoever with Vancouver's The Collectors tune, Lydia Purple . Pressed in small quantities during the spring of 1968, this one never even got the chance to be cmoped or reissued since. Thanks to their original drummer, Daniel Turcotte, we can now appreciate some color shots of this Laval (north of Montreal) band.



mardi, mars 15, 2011





Michel Conte -
Aimons-nous les uns les autres (1969; Polydor 542-505)*mise à jour*

L'auteur-compositeur Michel Conte quitte sa France natale en 1955 et entame une carrière musicale au Québec avec la parution d'un premier LP sur Columbia dès 1966. Après avoir signé la trame sonore de Monica la Mitraille en 1968, Conte (maintenant chez Polydor) poursuit l'expérience, envisageant un album d'une pop ambitieuse, aux accents légèrement psychédéliques et -vous l'aurez deviné!- chrétienne. Si l'album comporte quelques titres sans grande originalité (La Colombe et le serpent; Aimons-nous les uns les autres), une solide production signée Stéphane Venne saura néanmoins révéler une surprenante -et parfois touchante- pop engagée.
Michel Conte en concert, octobre 1970 (Télé-RadioMonde, octobre 1970).
Prologue annonce de grandes choses par son amalgame rétro-futuriste; un air électronique enfantin à la rondeur analogue résonne et annonce déjà le genre qu'explorerait Pierre F. Brault quelques années plus tard. En ce temps-là nait comme une simple bossa couplée de quelques murmures (témoins de la scène de nativité décrite) qui déboule rapidement sur quelques breaks orchestrés foudroyants (Lorsque le gouverneur; ordonna par décret; que tous devraient aller se faire recenser) ou purement gogo (Ce fut cette nuit-là; que nacquit l'enfant de Marie; à qui elle donna le nom de Jésus).
Photo Journal; octobre 1970.

Plus loin, Pierre offre une performance des plus théâtrales. Conte personnifie et actualise l'apôtre rencontrant Jésus, alors chef d'une bande de motards. L'ambiance de la première partie est funky (J'ai 20 ans; je m'appele Pierre; je travaille à l'épicerie), où cuivres, Hammond et wah-wah sont au rendez-vous; la seconde partie s'élabore abstraitement sur un fond électronique alors que seul un clavecin électrique soutient un chanteur fébrile, crédible. La guitare fuzz accentue le sentiment d'urgence sur le superbe soul-psych Je reviendrai parler d'amour où le vedettariat semble difficile à vivre pour le prophète/idole populaire (Et quand je leur dit de prier; les uns me crachent au visage; les autres me baisent les pieds; on s'croieraient au Moyen-Âge). Conte crache son venin (Je suis devenu une affaire; un commerce, une institution; ça prenait un Juif pour le faire; c'est ce que tous les gens diront) et expose sa foi d'une verve d'enfer (Y'a même les boss des unions; y m'ont dit Christ fait attention; sinon on va't'crucifier).





Conte exporte, non sans difficulté, ses «concerts à l'église» à Paris (Écho-Vedettes, janvier 1971).


Jeunesse de 1969, c'est l'heure du Conte! Poussant l'audace d'un cran, le téméraire chanteur réalisa un exploit scénique que bien peu d'artistes avaient jusque-là tenté: offrir une série de spectacles pop rock avec un tout nouveau groupe en visitant plusieurs églises du Québec! Si le phénomène des messes rythmées - ou messes à gogo - était déjà relativement connu et apprécié (Les Hou-Lops s'y étaient adonné, mais retenez plus spécifiquement Les (Nouveaux) Alléluias, Yvon Hubert ou certains des artistes de notre compilation Résurrection! ), celui des albums concept ne venait que de naître aux oreilles du public. C'est ainsi, vêtu d'un kaftan chatoyant et entouré de son gang d'apôtres sur deux roues que le chanteur actualisa des paraboles devenues poussiéreuses et trop éloignées de nos soucis contemporains. Celui qui avait été un timide chansonnier vers 1966 avait gagné en maturité, notamment par ses nombreuses collaborations et notamment sa comédie musicale Monica la Mitraille en 1968. Si cette dernière expérience se solda par un échec commercial (résultat d'une grève des techniciens au même moment), le désir d'un spectacle d'envergure habitait toujours le jeune metteur en scène. Un spectacle puis un album pour un happening complet.. et fracassant.





Le MUQ (Motocyclistes Unis du Québec) avait a sa tête un ex-curé motard! La bande de Montréal-Est participa à quelques performances en plus de gracier la pochette de l'album de Conte.
Pour l'édition promotionnelle de l'album (aussi probablement disponible exlusivement aux concerts), Polydor fit imprimer un charmant libretto retraçant le déroulement du spectacle original tout en publiant les paroles et quelques rares clichés du happening imaginé par Conte. En prime, un collage de divers extraits de la presse écrite. Le voici dans son intégrité... et autographié par dessus le marché!










Téléchargez l'album complet / Download the album:


Michel Conte - Aimons-nous les uns les autres (1969; Polydor 542-505)