André Fontaine - La chanson du Frère André (RCA 75-5075; 1975)
Loin de moi l'idée de vous ennuyer avec mes lubies envers la pop litturgique marginale, mais comme le Frère André fut canonisé -rien de moins!- aujourd'hui le 17 octobre, le moment était bien choisi pour vous entretenir brièvement de ce simple RCA...
André Fontaine entreprit une carrière musicale dès 1961, publiant non moins de sept simples pour Apex, Click, Élégante, Télédisc puis finalement Élysée. Vers 1967, il fonde avec son frère, le comédien et chanteur Jacques Desrosiers, l'étiquette Disques Soleil. Cette dernière ne publia qu'une poignée de 45 tours intriguants (pour le District Ouest, les Shériffs, les Vicomtes, les Flegmatiques et l'énigmatique Kartouche) et quelques rares albums (la compilation Donnez-moi ma chance, un disque pour l'humoriste Stéphano puis deux autres supervisés par Jacques Desrosiers, dont Initiation au Karaté ). Ce bref saut derrière la console semble donner un second souffle aux élans créatifs de Fontaine à la dissolution de l'étiquette plus tard en 1968.
En se distinguant du registre clownesque de son frère, le chanteur revient à la composition en solo vers 1975, cette fois dans un registre résolument chrétien. Signant avec la nébuleuse étiquette Les Disques Ville-Marie, il renoue avec le multi-talentueux Roger Gravel et l'avant-gardiste Jerry De Villiers afin de superviser les arrangements de son nouvel album, Par dessus les toits. En 10 chansons, Fontaine souhaitait maintenant rendre hommage à différents béatifiés Canadiens dont Kateri Tekakwitha, Marie de l'Incarnation et Catherine de Saint-Augustin. Le portier de l'Oratoire Saint-Joseph est évidemment du nombre alors que sa plus-que-pieuse vie est illustrée dans la Chanson pour André. Pour son premier long jeu, Fontaine renouait avec Gravel, lui qui l'accompagnait déjà sur son premier simple, Garde-moi la dernière danse (Apex, 1961). D'abord enregistrée minimalement pour son album, où le chant retenu de Fontaine n'est soutenu que par Gravel au piano, l'hommage au Frère André serait «remixé» et publié comme simple sur RCA, serti d'une pochette photo cartonnée.
Entre De Villiers. Dès les premières notes, on remarque tout le mordant que peut apporter une bonne production, aussi aventurière qu'inégale. L'arrangeur pimente la sobre mélodie de Fontaine en glorifiant littéralement son personnage. Exit le minimalisme de la version originale, cette fois on se payait la totale: guitare électrique, batterie, cuivres percutants, choeurs de voix masculines au Mellotron. Tout y passe pour élaborer une progression divine, culminant dans une conclusion transcendant l'ascension du nouveau Saint Québécois. Un hymne, quoi! Et un sacré bon...
Fontaine publie un autre simple la même année, fusionnant de nouveau sa pop liturgique rassurante à des arrangements innovateurs pour ce genre musical. Le simple pressé sur la mystérieuse étiquette Triangle (au logo alchimique), une division de Trans-Canada, réunit Fontaine et le producteur de son album, Robert Demontigny. Il inclut un titre tiré de l'album en face B (L'homme en blanc ) et propose comme face A une relecture de la prière Notre Père. Une introduction tonitruante (qui n'attend que d'être échantillonnée) laisse entrevoir une adaptation culottée, mais la mélodie emprunte rapidement une tengante certe plus réservée, mais habilement produite. Vous y entendrez de longues notes de synthétiseur rappelant le bruit de sirènes de police, quelques notes timides de sitar, une basse roucoulante et un choeur d'enfants. On ose, avec juste assez de retenu... Ce son illustre bien la transition de la chanson chrétienne au cours des années 70, chantée au premier degré et dorénavant plus près des enseignements pastoraux.
Parallèlement, l'influence du Frère André atteindrait son zénith artistique sous la forme d'une comédie musicale aussi élaborée qu'ininspirée. Interprétée sur scène en 1984 et pressée de nouveau sur étiquette Triangle, La vie du Frère André en chansons (Le Portier) semblait pourtant prometteur. Composée par Marcel Lefebvre et Paul Baillargeon, cette revue anthologique réunissait une équipe imposante de musiciens et comédiens (voir photo) qui interprétaient plusieurs scènes marquantes de la vie du Saint Frère. Comme chez ce dernier, une écoute attentive ne peut qu'osciller entre le glorieux surfait et l'agonie; le registre détonne ainsi d'autres comédies musicales de l'époque (Pied de Poule, Starmania) et peine à élever son sujet au dessus de l'anecdote historique. Fastidieux. Bref, c'est pas réussi... Où est René Richard-Cyr quand on a besoin de hyper un sujet aussi pieux? Ça sent le remake ces jours-ci, vous trouvez pas? Bonne écoute!
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André Fontaine - La chanson du Frère André (RCA 75-5075; 1975)
12 commentaires:
Bonjour S_ébastien.
La chanson du frère André(version RCA)WOW,c'est excellent,Notre Père aussi,j'aime un peu moins la version minimaliste,elle manque de Punch a mon gout.
Concernant l'opéra Rock sur la vie d'André,ça serait une bonne idée de retravailler les textes,refaire la mise en scène et puis de présenter tout ça a l'oratoire dans une thématique sur le frère André.
Super ce 45t d'André Fontaine. Connaissais pas du tout. Et quel étiquette étrange, wow, ça fait Franc-maçon !
Ne sont-ils pas candides, ces journalistes qui font semblant de s'intéresser au Frère André et à la religion catholique?
J'ai été quelque peu soufflé en voyant le magnifique 45 tours arborant son triangle et son troisième oeil. L'univers de Jacques Desrosiers mériterait une enquête et un documentaire en bonne et due forme. L'univers de Patof, les comédiens, les chansons ridicules.
Tiens, tiens, la bonne idée... Imagine un film comme "Confessions of a Dangerous Mind" sur les aléas de la carrière de Desrosiers. Hmmmmmmm
Très intéressant, et très à propos!
La voix d'André Fontaine est encore moins impressionnante que celle de son frère... ce qui n'ets pas peu dire!
Merci de partager ces petits joyaux avec nous. À quand la deuxième compilation? :-)
Je serai déjà comblé lorsque le 1er volume sera enfin publié... J'avais néanmoins compilé ce titre il y a des années en vue d'un second volume. ehe
Tu dis vrai. Dans les priorités de certains, la foi devance la voix.. ; )
Il y a un élément qui cloche dans la chronologie. Le 45 tours sur RCA dont il est question ici :
"l'hommage au Frère André serait «remixé» et publié comme simple sur RCA, serti d'une pochette photo cartonnée."
...date plutôt de 1971. C'est donc la version de l'album qui serait remixée à partir du 45 tours RCA de 1971. Moi c'est la face B, "Viens avec moi" que je préférais !
Merci Michel! Tiens, tiens... Intriguant!
En es-tu venu à cette conclusion en comparant les matricules d'autres simples RCA? C'est que la pochette est avare de commentaire.
Oui, c'est en comparant avec les autres numéros et les autres matricules de RCA. De plus, comme je l'écris, j'avais connu la chanson "Viens avec moi" en 1971 (en mai).
Merci de cette précision. Je corrigerai l'article.
André Fontaine connut une fin tragique au début de 1977, puisqu'il se suicida... Des articles de journaux de l'époque évocaient périodiquement la jalousie du grand frère envers son plus petit, Jacques. Jacques Desrosiers qui bien qu'il jouissait d'une très belle carrière avant Patof, connut grâce à ce personnage... gloire et fortune... ouaip, gloire et fortune!
Merci Bespin pour cette précision... Je l'ignorais complètement!
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