Dans
les années 60 et 70, la province recèlait déjà de ces jeunes prospects
se présentant sous la forme d'un unique prénom. C'était mignon,
accrocheur. Bien souvent, leur carrière semblait aussi brève que leur
sobriquet (à l'exception de Karo ou Nanette) et leur biographie
difficile à retracer pour les futurs archivistes que nous sommes. Qui
pouvait bien alors se cacher derrière mon homonyme, ce chanteur
mononominal québécois qu'on appelait Sebastian? Ne vous méprenez pas, il
ne s'agit pas du chanteur prépubère Sébastien qui publia vers 1974 un
album sur étiquette Totem et qui dû même s'appeler "Sébastien II"
pendant un temps... Ni même du torontois Sebastian (Agnello) qui enregistra l'album psychédélique Head Roach ou du talentueux chanteur suédois Sebastian qui publia aussi un simple chez-nous à l'époque. Non, c'est bien de Sebastian qu'on discute.
Non pas lui, l'autre! (Photo-Journal; février 1970)
Largement méconnu chez-nous depuis les années 70, il a néanmoins été redécouvert à l'international en 2009 par le biais d'une timide réédition de son album Rays of the sun sur l'étiquette anglaise ACME. Les britanniques raffolent de ses mélodies pop psychédéliques et de ces chaudes orchestrations gracieuseté de l'arrangeur Roger Gravel; alors, pourquoi pas nous? Revenons donc sur les premiers pas dans le showbusiness de ce mystérieux chanteur.
Sebastian est originaire de Londres, en Angleterre. Malgré toutes mes recherches, je n'ai pas encore réussi à retracer son nom complet... Il y demeurera quelques années avant de déménager avec sa famille à Montréal dès l'âge de 5 ans. Une guitare reçue pour son dixième anniversaire catalyserait les aspirations artistiques du jeune musicien. Faisant l'allez-retour entre les deux rives de la Main, il joue le tout pour le tout et mise initialement sur un public francophone. Cela avait réussi à Nanette, aux groupes Les 409 ou Les Chantels, pourquoi pas lui? Il adopte alors un curieux sobriquet pour se démarquer: Sabastien.
C'est ainsi nommé qu'on le retrouve chez Apex, au début de 1969, pour ses premiers enregistrements québécois. Dans une entrevue de novembre 1970, l'hebdomadaire Photo-Journal souligne qu'il y aurait enregistré trois simples; à ce jour, je n'en ai retracé que deux. De plus, deux autres 45 tours enregistrés pour le public américain manquent toujours aussi à ma discothèque. Si vous souhaitiez contribuer à cet article en partageant ces enregistrements, il me fera plaisir de les diffuser.
Ce simple propose une relecture du tube international "Dizzy" -rebaptisée J'ai peur - du chanteur américain Tommy Roe. «Dizzy» avait beau être en première position des palmarès canadiens, la version de Sabastien ne se distinguait déjà que très peu de celle du chanteur Daniel Nicolas, un autre mystérieux prospect pour l'étiquette Jupiter. La comparaison ne s'arrête pas là puisque Roger Gravel signe aussi l'arrangement de ce simple. Il rejoindrait sous peu Sabastien afin d'orchestrer son album... Intriguante coincidence! La face B, Ce n'est pas facile d'aimer , est une relecture du hit de l'américain Gene Pitney, It hurts to be in love . Un choix aussi plutôt discutable pour se démarquer et faire bonne impression avec un premier simple, ce tube datant déjà de 5 ans... Pour ce 45 tours, la production est confiée au nébuleux Ron Dikhof qui réalisa un simple au charme discret, mais qui ne su pas s'imposer à l'époque.
C'est ainsi nommé qu'on le retrouve chez Apex, au début de 1969, pour ses premiers enregistrements québécois. Dans une entrevue de novembre 1970, l'hebdomadaire Photo-Journal souligne qu'il y aurait enregistré trois simples; à ce jour, je n'en ai retracé que deux. De plus, deux autres 45 tours enregistrés pour le public américain manquent toujours aussi à ma discothèque. Si vous souhaitiez contribuer à cet article en partageant ces enregistrements, il me fera plaisir de les diffuser.
Ce simple propose une relecture du tube international "Dizzy" -rebaptisée J'ai peur - du chanteur américain Tommy Roe. «Dizzy» avait beau être en première position des palmarès canadiens, la version de Sabastien ne se distinguait déjà que très peu de celle du chanteur Daniel Nicolas, un autre mystérieux prospect pour l'étiquette Jupiter. La comparaison ne s'arrête pas là puisque Roger Gravel signe aussi l'arrangement de ce simple. Il rejoindrait sous peu Sabastien afin d'orchestrer son album... Intriguante coincidence! La face B, Ce n'est pas facile d'aimer , est une relecture du hit de l'américain Gene Pitney, It hurts to be in love . Un choix aussi plutôt discutable pour se démarquer et faire bonne impression avec un premier simple, ce tube datant déjà de 5 ans... Pour ce 45 tours, la production est confiée au nébuleux Ron Dikhof qui réalisa un simple au charme discret, mais qui ne su pas s'imposer à l'époque.
Sebastian et Apex ne jettent pas l'éponge et envisagent déjà un second simple, Hélène avec Un petit peu d'amour en face B. Afin d'acroître la popularité du jeune chanteur, Apex pressera ce simple serti d'une pochete-photo. Une critique du simple publiée dans le Télé Journal de juin 1969 s'indiffère de ce nouveau venu ou de son disque et s'entête plutôt à lui trouver des défauts. C'était vague et plutôt assassin comme propos... rien pour stimuler de quelconques ventes!
Critique originale du second simple de Sabastien (Télé Journal; juin 1969)
Hélène semble être la première composition originale de Sabastien sur disque. Le critique musical de l'époque s'emportait à propos de l'accent du chanteur; au bout du compte, ce détail demeure négligeable. Cette ballade démarre délicatement avec ses violons et ses quelques notes de clavecin avant de s'intensifier de cuivres au refrain. Le style musical rappelle celui du chanteur français Christophe ou de Donald Lautrec sur son album éponyme de 1968. Ce qui distingue ce second simple, c'est l'arrivée de l'arrangeur Roger Gravel, cet ancien pianiste pour le groupe Les 3 Bars. Avec ce dernier, l'instrumentation se complexifie et s'impose d'avantage, feutrant le jeune chanteur dans sa pop orchestrale.
HAIR (La Comédie Canadienne; septembre & octobre 1970)
À l'été 1970, le jeune chanteur fut remarqué par les artisans responsable de l'adaptation montréalaise de la comédie musicale Hair. Imaginée en 1967 par le compositeur montréalais Galt McDermot pour la scène newyorkaise, ce happening pop carburant de tous les tabous devient rapidement un succès retentissant à l'international. Comme la troupe mise essentiellement sur de jeunes comédiens près des idéaux hippies, il faut se rendre à l'évidence que Sebastian avait la gueule de l'emploi. Il ne serait pas le seul... La distribution incluerait bon nombre de comédiens, danseurs, musiciens et chanteurs de la métropole issus de la contre-culture, des visages connus des initiés locaux et d'autres fraîchement débarqués au pays. La singulière réalité bilingue de Montréal inspirerait même les producteurs à proposer des représentations en français ainsi qu'en anglais, le plus souvent regroupées dans la même journée.
La Patrie, septembre 1970.
Pour l'anecdote, l'adaptation en français fut confiée au dramaturge Gratien Gélinas ainsi qu'au journaliste et auteur Gil Courtemanche. Ce succès de Broadway développait ici une saveur locale, s'appuyant sur le jeu de François Guy (Les Sinners, La Révolution Française), Jay Boivin (Les Sinners), Erica Pomerance, Robert Ellis (The Medium), Kenny Hamilton (The Persuaders), Richard Groulx (Les Saxons) et j'en passe... Sebastian, lui, se verrait confier un des rôles principaux, soit celui de Berger, figure dominante de la bande de hippies qui tente de convaincre Claude (F. Guy) de ne pas s'enroler pour la guerre du Viet-Nam. Contrairement à la version française et à l'édition américaine, la distribution montréalaise de Hair n'eut pas la chance d'enregistrer un album. Toutefois, parallèlement à son premier rôle, Sebastian réalisait déjà de son côté son premier album solo. Avant d'y jeter un coup d'oeil, voici en primeur l'édition originale du libretto remis lors des représentations de septembre et octobre 1970 à la Comédie Canadienne.
Sebastian - Rays of the sun (MCA 7001; 1970)
Stylistiquement parlant, on pourrait tracer un certain parallèle entre Sabastian et la carrière solo du chanteur Éric (St-Pierre), cet ancien membres des Gamins et Méritas de la découverte de l'année 1967. Tous deux misent sur leur prénom, certes, mais chacun a su démontrer une rapide évolution entre leurs débuts en solo plutôt sages et rangés et d'innovants albums transitoires. À la même époque, Éric enregistrerait son second et dernier album (Un poète sur étiquette Pax; recommandé et réédité partiellement par les disques Mérite) alors que Sebastian s'affranchierait de son ancienne personnalité par son unique album, l'impressionnant Rays of the sun.
Back in love again qui ouvre l'album donne le ton dès ses premières mesures. La prise de son est crystaline et les arrangements plutôt denses et des plus étoffés. L'incontournable ingénieur Pete Tessier (By turning a knob) supervise en effet les enregistrements alors que la complexe orchestration est signée Roger Gravel. Cet ancien pianiste des Three Bars était devenu progressivement producteur et choisit de s'affirmer pleinement sur Rays of the sun, une de ses premières réalisations d'envergure. C'est d'ailleurs cette signature sonore un tantinet expérimentale de Gravel qui donne à l'ensemble des compositions pop originales de Sebastian un aspect légèrement psychédélique. Sur ce premier extrait, la prose du chanteur est pimentée de puissants accompagnements de cuivres et de cordes, couplés à une batterie phasée. On ressent une certaine urgence dans l'interprétation, celle de s'imposer et de se démarquer de ses pairs québécois. Effectivement, peu d'artistes à l'époque pouvait se vanter d'être propulsés par une aussi imposante armada de musiciens.
Love time explore à nouveau le thème amoureux, mais double littéralement la cadence. De glorieux cuivres et une rythmique juste assez déjantée propulsent ce titre jusqu'à son solo de guitare frénétique. Dommage que les musiciens de Gravel n'aient pas été cités sur la pochette. Elaine ajuste la question de l'accent du chanteur qui réinterprète en anglais son propre simple, Hélène. Le mix original est conservé, seul le chant semble avoir été adapté. Smile a little et Through with our love illustrent à nouveau le penchant de Sebastian pour les ballades, parfois sirupeuses, mais d'une indéniable influence saxonne. Smile a little se défend toutefois par son solo de sitar électrique (une Coral si je ne m'abuse) et un percutant jeu de batterie dans son refrain.
Be what you are démontre la transition du chanteur de charme vers son nouvel idéal hippie alors que sa prose appelle cette fois à la tolérance et à l'authenticité: une leçon sûrement héritée de son interprétation dans Hair. Finie la mascarade, fallait se dire les vraies affaires... Jubilation rappele les aspirations pop de groupes tels The Lemon Pipers (US) ou Grapefruit (UK). Son tempo up-beat en 2/4 est entraînant et l'ensemble s'égaye par un second solo de sitar électrique. Du bonbon. Comme son titre l'indique, Now that it's over clos l'album dans un registre plutôt rangé, mais qui bénéficie encore une fois d'une orchestration salutaire et d'un habile jeu de guitare classique.
De ce bref album (36 minutes), il faut néanmoins retenir deux compositions qui se démarquant du lot: Passages et la pièce-titre, Rays of the sun. Nettement plus introspectives et dépouillées, ces deux chansons sont les seules où Sebastian se substitue à Roger Gravel au niveau des arrangements. Exit les cordes et les cuivres et place à un accompagnement plus minimal, quoique drôlement bien huilé. Les deux pièces émettent la même singulière vibration et prennent tout leur temps pour instaurer une ambiance feutrée et éthérée à souhaits. Je soupçonne toutefois Gravel d'être au piano sur ces deux morceaux. Passages, avec cette voix modifiée par l'utilisation d'un amplificateur Leslie, semble vouloir imager une transition quelconque, vers l'au-delà ou une dimension parallèle, avant de conclure sur une finale touffue et inspirée. Mystique!
Right towards the lights and sounds diminishing the cure of senses
A soldier of galaxies gives his riddles all in consequences.
On sent un chanteur définitivement plus investi et mélancolique sur Rays of the sun, la pièce phare de son unique album.La description de sentiments inconnus doublée de poétiques observations cosmiques laissent croire que nous avons affaire à un hymne post-lysergique. Sebastian est à fleur de peau et se laisse bercer par les envollées d'un guitariste, comme lui, en orbite. Grandiose!
Upon a trip that I once knew before the break of dawn
I crossed the stellar spaces, my journey carried on.
As I passed all planets, my mind was in a maze
Photo Journal, 25 octobre 1970.
Be what you are démontre la transition du chanteur de charme vers son nouvel idéal hippie alors que sa prose appelle cette fois à la tolérance et à l'authenticité: une leçon sûrement héritée de son interprétation dans Hair. Finie la mascarade, fallait se dire les vraies affaires... Jubilation rappele les aspirations pop de groupes tels The Lemon Pipers (US) ou Grapefruit (UK). Son tempo up-beat en 2/4 est entraînant et l'ensemble s'égaye par un second solo de sitar électrique. Du bonbon. Comme son titre l'indique, Now that it's over clos l'album dans un registre plutôt rangé, mais qui bénéficie encore une fois d'une orchestration salutaire et d'un habile jeu de guitare classique.
De ce bref album (36 minutes), il faut néanmoins retenir deux compositions qui se démarquant du lot: Passages et la pièce-titre, Rays of the sun. Nettement plus introspectives et dépouillées, ces deux chansons sont les seules où Sebastian se substitue à Roger Gravel au niveau des arrangements. Exit les cordes et les cuivres et place à un accompagnement plus minimal, quoique drôlement bien huilé. Les deux pièces émettent la même singulière vibration et prennent tout leur temps pour instaurer une ambiance feutrée et éthérée à souhaits. Je soupçonne toutefois Gravel d'être au piano sur ces deux morceaux. Passages, avec cette voix modifiée par l'utilisation d'un amplificateur Leslie, semble vouloir imager une transition quelconque, vers l'au-delà ou une dimension parallèle, avant de conclure sur une finale touffue et inspirée. Mystique!
Right towards the lights and sounds diminishing the cure of senses
A soldier of galaxies gives his riddles all in consequences.
On sent un chanteur définitivement plus investi et mélancolique sur Rays of the sun, la pièce phare de son unique album.La description de sentiments inconnus doublée de poétiques observations cosmiques laissent croire que nous avons affaire à un hymne post-lysergique. Sebastian est à fleur de peau et se laisse bercer par les envollées d'un guitariste, comme lui, en orbite. Grandiose!
Upon a trip that I once knew before the break of dawn
I crossed the stellar spaces, my journey carried on.
As I passed all planets, my mind was in a maze
The I turn and faced it and was blinded by the rays of the sun.
Je tente toujours de retracer le chanteur Sebastian. Si vous aviez des informations quant à son identité, aux simples américains qu'il a enregistré ou que vous étiez en mesure de m'indiquer comment rejoindre son arrangeur, Roger Gravel, je vous invite à me rejoindre par couriel. Bonne écoute!
Téléchargez l'album complet et les simples / Download the full LP and 45s : Sebastian - Rays of the Sun (MCA; 1970)
11 commentaires:
Excellent arrangement sur Élaine mais encore plus sur son album. Merci pour la découverte et les superbe photo.
Merci Simon. Passe "Elaine", y'a bien mieux sur ce long jeu! ehe
Tu viens d'écrire l'article définitif sur un chanteur méconnu et mystérieux. Je te souhaite d'obtenir les infos manquantes pour finaliser le tout mais c'est encore une fois du très beau travail de recherche. Je suis à peu près certain qu'un single tiré de l'album est sorti aux USA, avec "Elaine" en face A. Aussi, c'est à ma connaissance le seul album canadien intéressant sur MCA au début des années 70 et j'ai toujours été frappé par le # de catalogue du disque: 7001. Je ne sais pas si la compagnie a voulu créer une étiquette de production canadienne (comme Columbia, par exemple) et a finalement laissé tomber ou s'il y a d'autres disques MCA de production locale mais c'est spécial quand même, parce que l'album de Sebastian sonne comme si on lui a donné tous les moyens ($) de faire un produit de calibre international. Etrange alors qu'il ne soit sorti qu'ici. Bon, bref, bravo et merci, un autre article, classique du futur à propos des musiciens oubliés d'ici.
Merci! Ce que tu souligne Gaétan est très pertinent.
Je connais trop peu les autres LPs MCA; les simples oui, mais les albums... hmmmmm. Peut-être espérait-on que Sebastian deviennent LA nouvelle coqueluche des jeunes suite à son bref succès dans Hair. J'espère que M. Gravel pourra m'en apprendre d'avantage, s'il est encore au rendez-vous.
Super pub pour la Banque Royale dans le livret de Hair!
En passant,une des chanteuses de cette comédie musicale,Alma Brooks a connu un certain succes comme chanteuse disco par la suite:
http://blogs.montrealgazette.com/2012/02/17/soul-diva-alma-faye-brooks-rekindles-montreals-disco-inferno/
Wow! Merci de l'information Martin!!
De l'excellent travail!!
En ce qui a trait à l'édition originale du libretto, les pages «7 et 20» manquent? 40+ années déjà, ça ne nous rajeunit pas..:-)
Sincèrement
Merci beaucoup!
Je n'ai pas pensé inclure ces deux pages puisqu'il ne s'agissait que de publicités sans référence à la comédie musicale. Je prépare d'ailleurs un topo sur les enregistrements d'un autre membre de la troupe de Hair. À suivre...
le chanteur Sébastien son vrais non de famille est paul rodrigez merci
le chanteur Sébastien son vrais non de famille est paul rodrigez merci
Merci Chantal pour cette information!! Est-ce que je peux vous demander comment vous avez connu Sebastian? Écrivez-moi ici: mondopq@mondopq.com
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